L’EPSM Roger Prévot de Moisselles épinglé pour enfermements illégaux !
La Contrôleure Générale des Lieux de Privation de Liberté (CGLPL), Madame Adeline HAZAN, s’est rendue au sein de l’Etablissement Public de Santé Mentale (EPSM) Roger-Prévot de Moisselles le 18 mai dernier.
Lors de cette visite de contrôle, de graves violations des droits humains les plus fondamentaux ont été constatés dans cet établissement. Ainsi, la CGLPL a émis des recommandations en urgence, publiées le 19 juin dernier au Journal Officiel.
Lors de sa visite, la CGLPL a constaté que toutes les chambres des unités « entrants » et « covid », représentant 18 patients dont 6 admis en soins libres, étaient fermées à clé.
La CGLPL précise que « Ces privations de liberté injustifiées et illégales ont été mises en œuvre dans des conditions indignes. »
En effet, plusieurs des chambres visitées ne disposaient pas de bouton d’appel et pour celles qui en avaient, les boutons n’étaient pas toujours fonctionnels. Les patients n’avaient pas leurs effets personnels, ils étaient vêtus d’un pyjama en tissu déchirable et certains patients n’avaient même pas de sous-vêtements.
Par ailleurs, au sein du pôle « G04 Levallois-Perret », les patients accueillis après leur séjour en unité « entrants », étaient à nouveau confinés durant 14 jours supplémentaires et ce, avec pour certains d’entre eux la porte de leur chambre fermée à clé. Ces décisions auraient été prises par des psychiatres et pourtant, aucune décision n’a été trouvée dans les dossiers.
La CGLPL a donc rappelé aux personnels que l’enfermement est illégal :
« – en l’absence de décision prise par un psychiatre sur des considérations cliniques relatives seulement à l’état de santé mentale du patient, lorsqu’elles concernent des patients en soins sans consentement ;
– en toute hypothèse, pour des personnes admises en soins libres. »
Ainsi, la CGLPL a émis les recommandations suivantes :
« Si un patient en soins libres accepte son traitement psychiatrique mais refuse l’hospitalisation dans une unité ‘covid’, il lui est loisible de quitter l’hôpital quelle que soit sa situation au regard du covid-19. (…)
L’enfermement dans leur chambre des patients qui ne respectent pas le confinement ou les gestes barrière ne peut reposer que sur une décision d’isolement motivée par la mise en danger immédiate ou imminente du patient ou d’autrui. Il doit répondre aux conditions posées par l’article L. 3222-5-1 du code de santé publique : ‘L’isolement et la contention sont des pratiques de dernier recours. Il ne peut y être procédé que pour prévenir un dommage immédiat ou imminent pour le patient ou autrui, sur décision d’un psychiatre, prise pour une durée limitée.’
Comme pour toute décision d’isolement, c’est au psychiatre qu’il appartient d’apprécier si le comportement du patient est le fait de la maladie mentale, s’il est avéré qu’aucune autre formule ne peut avoir pour effet de prévenir un dommage et si le refus de respecter les gestes barrière constitue, non pas un simple risque, mais ‘un dommage immédiat ou imminent’ justifiant une mesure aussi attentatoire à la dignité et aux droits du patient. En tout état de cause une telle contrainte ne peut être imposée ni à un patient en soins libres ni pour une durée excédant quelques heures.
Des mesures d’enfermement, de sédation ou de contention ne sauraient être justifiées par la seule considération des moyens dont dispose l’établissement (hébergement en chambre collective, insuffisance de personnel, absence de sanitaires dans les chambres, etc.) en application du principe général selon lequel aucune mesure de privation de liberté ne peut être prise ni aggravée pour des raisons d’organisation, principe qui ne peut souffrir aucune exception. Dès lors, pour un patient dont l’état clinique ne justifierait pas de telles mesures en temps ordinaire, elles doivent également être écartées en période d’épidémie. (…) »
La CCDH est scandalisée par les observations effectuées par la CGLPL lors de cette visite de contrôle.
Par ailleurs, la CCDH rappelle que depuis la loi du 26 janvier 2016, tous les établissements psychiatriques sont obligés de tenir un registre de contention et d’isolement et d’émettre un rapport annuel pour rendre compte de leurs pratiques aux autorités.
Ainsi, dans le cadre de la loi favorisant l’accès aux documents administratifs, la CCDH a demandé à chacun des établissements psychiatriques français, la communication de leurs registres des mesures de contention et d’isolement ainsi que leurs rapports annuels relatifs à ces pratiques pour les années 2017 et 2018.
La direction de l’EPSM Roger Prévot de Moisselles reste silencieuse depuis notre demande, malgré l’avis rendu par la Commission d’Accès aux Documents Administratifs ordonnant la transmission des documents à notre association. Nous avons d’ores et déjà saisi le Tribunal administratif pour ce qui est des registre et rapport de l’année 2017. Nous ferons de même pour les années postérieures si la direction s’obstine à conserver le silence.
Cette situation est inquiétante car il n’y a ainsi aucune assurance de l’effectivité des droits des patients et de la stricte application de la loi concernant les mesures de privation de libertés telles que la contention et l’isolement dans cet établissement.
En outre, au vu de la situation dramatique et des agissements illégaux du personnel de cet établissement durant la crise sanitaire du covid-19, la CCDH est d’autant plus inquiète et soucieuse de veiller au respect de la loi et des droits fondamentaux des patients hospitalisés à l’EPSM Roger Prévot. Elle alerte les autorités départementales.
La CCDH est une association spécialisée dans la protection des droits de l’Homme dans le domaine de la santé mentale. Elle reçoit chaque semaine des dizaines de témoignages de famille et de victimes abusées. Depuis plus de 45 ans, elle dénonce les pratiques inhumaines et dégradantes de la psychiatrie et œuvre pour le respect des droits et de la dignité des patients.
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