Historique
La découverte de l’électrochoc a été faite dans un abattoir. Ugo Cerletti (1877-1963), professeur de psychiatrie à l’Université de Rome “découvrit” le traitement par électrochoc et introduisit son utilisation en psychiatrie.
Voici comment Cerletti raconte lui-même sa découverte. Cet extrait est tiré du livre : “De l’abattoir à l’asile” écrit par le Docteur Thomas SZASZ. « Vanni m’informe qu’à l’abattoir de Rome, les cochons étaient tués par du courant électrique. Une telle information semblait confirmer mes doutes à propos du danger des applications de l’électricité à l’homme. J’allai observer à l’abattoir ce massacre ” électrique” , ainsi nommé, et vis que les cochons avaient les tempes prises par de grosses pinces métalliques traversées par un courant électrique (125 volts).
Aussitôt que les cochons étaient pris par les pinces, ils devenaient inconscients, engourdis, et après quelques secondes, étaient secoués par des convulsions comme nos chiens d’expérience. Pendant cette période d’inconscience (coma épileptique), le boucher poignardait et saignait les animaux sans difficulté. De là, je sentis que nous pourrions nous aventurer à expérimenter sur l’homme, et j’informai mes assistants de se préparer à la sélection d’un sujet convenable.
Le 25 avril 1938, le Commissaire de Police de Rome envoya un homme à notre institut avec la note suivante: “S.E., 39 ans, ingénieur, résidant à Milan, a été arrêté à la station de chemin de fer alors qu’il vaguait dans les trains prêts pour le départ sans ticket. Il ne semble pas être en pleine possession de ses facultés mentales, et je l’envoie dans votre hôpital pour qu’il soit mis en observation. Ce sujet fut choisi pour la première expérience sur la production de convulsions électriques sur l’homme. Deux grandes électrodes furent appliquées sur les régions frontopariétales, et je décidai de commencer avec précaution avec un courant de faible intensité de 80 volts par 0,2 secondes.
Aussitôt que le courant le pénétra, le patient réagit par une secousse et les muscles de son corps se raidirent ; puis il tomba à la renverse sur le lit sans perdre conscience. Il se mit à chanter brutalement de sa voix la plus aiguë, et puis se calma. Naturellement, nous qui menions l’expérience, étions en proie à une grande tension émotionnelle et nous sentions que nous prenions un sacré risque. Néanmoins, il était tout à fait évident, pour nous tous, que nous avions utilisé un voltage trop faible. Il fut proposé que nous laisserions le patient se reposer quelque peu et que nous recommencerions l’expérience le lendemain.
Tout à coup, le patient , qui avait suivi de toute évidence notre conversation, dit clairement et sérieusement, dans son baragouin habituel : “pas un autre ! C’est mortel ! “. Je confesse qu’une adjuration si explicite, dans de telles circonstances, et si énergique et autoritaire, venant d’une personne dont le jargon énigmatique était jusque là très difficile à comprendre, ébranla ma détermination à poursuivre l’ expérience. Mais ce fut seulement cette peur de céder à une notion superstitieuse qui me poussa à me décider. On appliqua de nouveau les électrodes et on envoya une décharge de 110 volts pendant 0,2 secondes. »
Plus tard, en 1963, dans la revue « Psychosomatics », le psychiatre Franck AYD cite les propres paroles de Cerletti : « Lorsque j’ai vu la réaction du malade, j’ai pensé en moi-même : “cela devrait être interdit ! “. Et, depuis ce jour, je n’ai cessé d’appeler de mes voeux le temps où une autre forme de traitement remplacerait l’électrochoc ».
En France, en 2002, ce traitement est de plus en plus pratiqué et une campagne médiatique tente de le réhabiliter. On s’abrite derrière un terme moins évocateur de décharge électrique mais identique dans son fonctionnement : la sismothérapie.