De plus en plus d’enfants en France sont diagnostiqués avec des “troubles psychiatriques” sur la base de questionnaires comportementaux ou de bilans psychologique, souvent en milieu scolaire, et sans analyse approfondie de leur contexte de vie. Cette approche peut conduire à une médicalisation rapide.
Pourtant, l’Organisation des Nations Unies (ONU), à travers son Rapporteur spécial sur le droit à la santé, a rappelé en 2017 que :
« Le recours excessif au diagnostic psychiatrique et aux traitements médicamenteux chez les enfants constitue une violation du droit à la santé. Des approches non médicamenteuses, axées sur les droits humains et tenant compte des déterminants sociaux de la santé, doivent être priorisées. »
(Rapport A/HRC/35/21, Conseil des droits de l’homme, ONU, juin 2017)
Faute d’alternatives accessibles, les familles se dirigent vers des solutions médicales rapides, souvent médicamenteuses (source : rapport HCFEA « QUAND LES ENFANTS VONT MAL : COMMENT LES AIDER ? mars 2023)
Selon l’ANSM et Epi-Phare, les prescriptions de psychotropes chez les moins de 20 ans ont fortement augmenté entre 2014 et 2021 :
- +78 % de psychostimulants
- +62,5 % d’antidépresseurs
- +48,5 % d’antipsychotiques
Or, la Haute Autorité de Santé (HAS) rappelle que les approches médicamenteuses, notamment pour le Trouble du Déficit de l’Attention avec ou sans Hyperactivité (TDAH), ne doivent jamais être la première option et doivent être encadrées avec rigueur.
La prescription de psychotropes à des enfants et adolescents doit faire l’objet d’un contrôle rigoureux et transparent. Or, une part importante de ces prescriptions se fait hors du cadre légal d’autorisation de mise sur le marché (hors-AMM). Cela signifie que des médicaments sont administrés à des mineurs sans qu’ils aient été formellement testés ni approuvés pour cet usage dans cette tranche d’âge, ce qui expose ces enfants à des risques cliniques non maîtrisés.
Selon l’ANSM, une large proportion des prescriptions d’antipsychotiques, antidépresseurs ou anxiolytiques chez les moins de 18 ans en France sont hors-AMM, parfois sans justification clinique solide, faute de protocoles thérapeutiques adaptés ou par simple pression contextuelle.
Ce que nous demandons
1. Le respect du consentement libre et éclairé
Aucun dépistage, diagnostic ou traitement psychiatrique ne doit être imposé sans l’accord des parents ou du représentant légal. L’information doit être claire, factuelle, complète et compréhensible.
2. La priorité aux approches non médicamenteuses
Conformément aux recommandations de l’ONU, les autorités doivent promouvoir des alternatives éducatives, sociales et relationnelles avant tout recours à des médicaments psychotropes.
3. La dé-stigmatisation des enfants en difficulté
Il est essentiel de protéger l’enfant : un diagnostic psychiatrique précoce, s’il est mal posé ou mal compris, peut marquer durablement la trajectoire scolaire, sociale et personnelle d’un jeune.
4. Une transparence et un encadrement strict des prescriptions de psychotropes chez les mineurs
- Un marquage explicite des prescriptions hors-AMM dans les logiciels de prescription, avec obligation de signalement et justification médicale documentée, notamment pour les médicaments ayant des effets neuropsychiatriques reconnus.
- Des contrôles périodiques aléatoires des médecins prescripteurs, menés par des instances indépendantes (ex. : inspection de l’ARS), pour garantir la conformité des prescriptions au regard des recommandations officielles.
- L’obligation pour tout prescripteur de fournir une information détaillée à la famille en cas de traitement hors-AMM, y compris une explication sur l’absence d’essais cliniques pédiatriques et les effets secondaires possibles, afin de garantir un véritable consentement éclairé.
- Des sanctions en cas d’abus répétés ou de non-respect des règles de prescription.
Pourquoi c’est essentiel :
Les enfants ne doivent pas être traités comme des « cobayes silencieux » d’une psychiatrisation généralisée. Une prescription hors-AMM doit rester l’exception. Le respect du principe de précaution, de la transparence et du droit à l’information est une obligation éthique, médicale et juridique.
La France doit construire une politique de santé mentale de l’enfant alignée sur les principes des droits humains et non sur une réponse chimique automatique.