Droit de visite en psychiatrie : la compétence du juge administratif et la protection d’un droit fondamental
La privation de visites familiales à une personne hospitalisée sans son consentement en psychiatrie engage des questions cruciales de respect des droits fondamentaux. Cette situation doit être analysée sous la lumière la plus exigeante du droit européen et national.
Le Conseil d’État, par son arrêt n° 381648 du 26 juin 2015, a établi de façon claire :
« La décision par laquelle un établissement public de santé refuse à un tiers le droit de rendre visite à une personne hospitalisée sans son consentement a le caractère d’une mesure prise pour l’exécution du service public hospitalier qui ne porte pas atteinte à la liberté individuelle. Par suite, le juge administratif est compétent pour en connaître. »
C’est donc le juge administratif qui doit être saisi pour contester ces refus, lesquels s’inscrivent pleinement dans l’organisation du service public hospitalier (remarque : si cela portait atteinte à une liberté individuelle, cela aurait été le juge des libertés et de la détention qui aurait été déclaré compétent).
Mais surtout, le refus du droit de visite constitue une atteinte grave à un droit fondamental : le droit au respect de la vie privée et familiale, expressément protégé par l’article 8 de la Convention européenne des droits de l’homme (CEDH) :
« Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. Il ne peut y avoir ingérence d’une autorité publique dans l’exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu’elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l’ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d’autrui. »
Cette protection est large et inclut les liens affectifs, la possibilité de maintenir une relation parent-enfant ou entre proches, même dans le cadre de l’hospitalisation psychiatrique forcée. La Cour européenne des droits de l’homme rappelle régulièrement que le maintien du lien familial est un élément fondamental du respect de la dignité humaine.
En cas de refus de visite, la procédure de référé-liberté (article L. 521-2 du Code de justice administrative) offre un recours rapide, accessible sans avocat, y compris via la plateforme Télérecours Citoyens. Pour agir, il suffit de démontrer trois conditions de fond :
- Une atteinte grave et manifestement illégale
- À une liberté fondamentale (ici, le droit à la vie privée et familiale protégé par l’article 8 CEDH)
- Ayant un caractère urgent.
Il est essentiel que chacun ait pleinement conscience que le droit à la vie privée et familiale n’est pas un simple droit accessoire mais une liberté fondamentale au cœur de l’ordre juridique européen, dont la protection doit rester active même en contexte de soins sous contrainte.
L’association Commission des Citoyens pour les Droits de l’Homme encourage à recourir largement à ce dispositif, pour garantir le respect effectif de la vie familiale, et exiger que l’administration respecte aussi bien la loi française que les exigences de la CEDH, sous le contrôle du juge administratif compétent, conformément à la jurisprudence du Conseil d’État.
