Mesures d’isolement et de contention : pourquoi le contrôle judiciaire n’est pas une garantie contre les abus
L’article L.3222-5-1 du Code de la santé publique encadre les mesures d’isolement et de contention en psychiatrie pour une hospitalisation complète sans consentement. Il prévoit :
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Isolement : Durée initiale maximale de 12h, renouvelable dans la limite de 48h ;
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Contention : Durée initiale de 6h, renouvelable dans la limite de 24h ;
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Au-delà de ces limites, à titre exceptionnel, le médecin peut prolonger la mesure, mais doit immédiatement en informer le directeur d’établissement, lequel informe sans délai le JLD. Le JLD peut alors se saisir d’office pour statuer sur la prolongation ou y mettre fin.conseil-constitutionnel+1
L’article précise expressément :
« Le directeur de l’établissement informe sans délai le juge des libertés et de la détention du renouvellement de ces mesures. Le juge des libertés et de la détention peut se saisir d’office pour y mettre fin. »
Il ne s’agit donc PAS d’une saisine automatique du juge, mais d’une information obligatoire : le juge est averti et peut, s’il le souhaite, s’auto-saisir, mais aucune audience n’est systématiquement organisée. Seul le juge décide de convoquer une audience où le patient pourra être représenté par un avocat.cnb.avocat+2
Caractère informatif et limites du contrôle
La procédure prévue est essentiellement informative :
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Le médecin prolongeant la mesure doit en informer l’administration ET le JLD ;
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Le JLD a alors la possibilité de se saisir (auto-saisine), mais sauf décision explicite de sa part, il n’y a pas d’audience ni de débat contradictoire organisé à chaque prolongation. (pour en savoir plus, nous vous conseillons de lire cette brochure : avocatparis+1 )
Autrement dit, sauf cas d’auto-saisine du JLD ou demande expresse d’une personne ayant qualité à agir (patient, proche), il n’y a aucune intervention obligatoire du juge : l’information ne déclenche pas automatiquement de contrôle effectif ou de garantie judiciaire avec défense des droits du patient par avocat.
Ce dispositif, bien qu’avancé par rapport à l’absence de contrôle, reste insuffisant :
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Pas de contrôle systématique, seulement une possibilité théorique ;
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Absence d’audience contradictoire sauf auto-saisine du juge ;
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Le juge n’est donc pas une garantie de contrôle effectif pour des mesures d’isolement ou de contention excessives : il est informé, mais n’intervient que s’il le décide.
Conclusion
Affirmer que le contrôle du JLD constitue une garantie absolue contre les abus est faux :
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L’information du JLD n’est qu’une étape procédurale, non une protection réelle ;
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Le contrôle du juge est discrétionnaire et seulement actif en cas de saisine d’office ou demande spécifique ;
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Le patient, sauf auto-saisine du juge ou activation de ses droits par un tiers, n’est pas défendu systématiquement par un avocat dans le cadre de mesures prolongées ;
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Dans les faits, de nombreuses mesures de contention et d’isolement de longue durée peuvent perdurer sans validation judiciaire réelle, ni débat contradictoire.
C’est pour ces raisons que le contrôle du JLD, bien que constituant un progrès, ne peut être considéré comme une protection suffisante contre les excès et ne doit pas être invoqué comme une garantie absolue de respect des droits fondamentaux des patients.
Références :
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Article L.3222-5-1 du Code de la santé publique
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Article L.3211-12-1 du Code de la santé publique (droit de saisir le juge)
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Décision du Conseil constitutionnel n°2021-912/913/914 QPC du 4 juin 2021 (sur le caractère insuffisant du contrôle JLD).
https://www.conseil-constitutionnel.fr/decision/2021/2021912_913_914QPC.htm
Ainsi, le dispositif légal actuel organise une information du juge, mais non un contrôle effectif systématique ; seul le juge, s’il s’auto-saisit ou s’il est saisi, peut alors mettre en œuvre un contrôle réel et organiser une défense des droits du patient