Consultation sur les droits humains et la santé mentale : “Identifier des stratégies pour promouvoir les droits humains en santé mentale”
Déclaration du Haut Commissaire des Nations Unies aux Droits de l’Homme
Zeid Ra’ad Al Hussein
14 mai 2018
Traduction de la CCDH de l’article rédigé en anglais et disponible au lien suivant :
Excellences,
Mesdames et Messieurs les panélistes,
chers collègues, chers amis,
J’ai l’honneur de vous accueillir pour cette discussion essentielle sur un sujet qui est bien trop souvent balayé aux marges de la société.
Le droit au meilleur état de santé possible est fondamental pour la dignité humaine, et il n’y a pas de santé sans santé mentale. Il est évident que la mise en place de services de santé mentale et d’un soutien de qualité est essentielle : ils ne peuvent être considérés comme un luxe, pas plus que les cliniques qui réparent les membres cassés ou traitent le paludisme. Il est tout aussi évident que les services de santé mentale ne peuvent légitimement être considérés comme moins prioritaires que les services axés sur la santé physique.
Une très forte proportion d’entre nous peut être affectée par des troubles mentaux au cours de sa vie : jusqu’à une personne sur quatre, selon certaines estimations. Des services de santé mentale de qualité devraient être accessibles à tous, indépendamment de la classe sociale ou de tout autre statut distinctif, et le recours à ces services ne devrait pas engendrer de stigmatisation ou de honte.
Mais en réalité, très peu d’usagers des services de santé mentale, de personnes souffrant de troubles mentaux ou de handicaps psychosociaux bénéficieront des services et de l’aide accessibles et de qualité auxquels ils ont droit.
Au contraire, nombre d’entre eux seront confrontés à la discrimination. Des stéréotypes profondément nuisibles sur les personnes vivant avec – ou perçues comme ayant – des problèmes de santé mentale conditionneront les services de santé qu’elles reçoivent, avec un impact à long terme sur leur participation et leur inclusion dans la société.
Les institutions psychiatriques, comme tous les établissements fermés, génèrent l’exclusion et la ségrégation, et le fait d’y être contraint équivaut à une privation arbitraire de liberté. Elles sont aussi souvent le lieu de pratiques abusives et coercitives, ainsi que de violences pouvant s’apparenter à de la torture.
L’institutionnalisation et la ségrégation ont constitué une réponse inadéquate à tous les niveaux – pour les adultes handicapés comme pour les enfants. La menace de l’institutionnalisation empêche également les utilisateurs d’accéder aux services dès les premiers stades de l’anxiété ou du stress. L’accent mis sur l’institutionnalisation a eu pour conséquence qu’au lieu de combler les lacunes et les faiblesses des réseaux familiaux et communautaires, les liens ont été rompus et les enfants et les adultes ont été privés de leur droit à une famille, à la participation et à l’inclusion dans la communauté.
Le fait d’être mis au ban de l’humanité, d’être considéré comme indigne d’appartenir à un groupe et d’être confiné dans un lieu isolé, est profondément préjudiciable à l’âme humaine. Le traitement forcé – y compris la médication forcée et le traitement électroconvulsif forcé, ainsi que l’institutionnalisation forcée et la ségrégation – ne devrait plus être pratiqué. Au lieu de cela, les États devraient veiller à ce que les personnes souffrant de troubles mentaux et de handicaps psychosociaux puissent avoir accès à des traitements et à des services d’aide, y compris l’aide par les pairs, au sein de leur communauté. La ségrégation est néfaste – non seulement pour l’individu, mais aussi pour la communauté dans son ensemble.
Manifestement, les droits de l’homme des personnes souffrant de handicaps psychosociaux et de troubles de la santé mentale ne sont pas largement respectés dans le monde. Il faut que cela change. La Convention relative aux droits des personnes handicapées offre un cadre juridique pour une approche plus globale qui défend les droits des personnes souffrant de handicaps psychosociaux, notamment la pleine jouissance et l’exercice de la capacité juridique et le consentement libre et éclairé ; le droit de vivre et d’être inclus dans la communauté ; la désinstitutionalisation ; et le droit à la liberté et à la sécurité sans discrimination. Nous devons tous progresser pour renforcer et soutenir ce cadre : comme nous le verrons au cours de cette réunion, le changement est possible et se produit dès maintenant.
Décider pour soi-même, vivre dans la communauté, travailler et se socialiser sans discrimination, voilà quatre domaines essentiels où les progrès peuvent avoir un impact énorme sur le bien-être de millions de personnes.
Au cours des deux prochains jours, cette consultation explorera les moyens de réaffirmer la dignité et l’égalité des usagers des services de santé mentale, des personnes souffrant de handicaps psychosociaux et des personnes atteintes de troubles mentaux. Nous comptons parmi nous de nombreux praticiens de renom qui luttent pour garantir des systèmes de soins et d’aide fondés sur les droits de l’homme, ainsi que plusieurs personnes qui ont elles-mêmes fait l’expérience des pratiques actuelles. Je vous remercie pour votre travail de mise en lumière des systèmes inadéquats en place et pour vos efforts visant à redonner la parole à ceux dont la dignité est bafouée.
Nous partageons l’espoir de pouvoir contribuer à la réforme des politiques qui aggravent la discrimination, les abus et l’institutionnalisation arbitraire auxquels elles sont souvent confrontées, ainsi que d’autres pratiques qui ne respectent pas leur autonomie, leurs choix et leurs droits.
Nous vous remercions.