Que se passe-t-il au Centre Hospitalier Spécialisé de Navarre ?
La Commission des Citoyens pour les Droits de l’Homme (CCDH), association dénonçant les violations des droits de l’homme commises en psychiatrie, et plus particulièrement certains actes de maltraitance, traitements inhumains et dégradants, manifestera devant le Centre Hospitalier Spécialisé de Navarre à Evreux, le samedi 18 janvier 2020 de 14h à 14h45.
Les abus ne cessant pas, les manifestants se rendront devant l’établissement.
Depuis la loi du 26 janvier 2016, tous les établissements psychiatriques sont obligés de tenir un registre de contention et d’isolement et d’émettre un rapport annuel pour rendre compte de leurs pratiques aux autorités.
L’article L.3222-5-1 du Code de santé publique dispose que l’isolement et la contention sont des pratiques devant être utilisées en dernier recours et énonce clairement un objectif d’encadrement et de réduction de ces pratiques, tant au niveau national qu’au niveau européen (recommandation 2004-10 du Comité des Ministres du Conseil de l’Europe et rapport du Contrôleur général des lieux de privation de libertés « Isolement et contention dans les établissements de santé mentale »).
La CCDH avait demandé la communication du registre de contention et d’isolement ainsi que le rapport annuel pour l’année 2017 relatif à ces pratiques auprès de la direction de cet établissement.
La direction avait déclaré ne pas disposer d’un registre des isolements et contention en 2017.
La CCDH a ainsi réitéré sa demande pour l’année 2018 et la direction vient de répondre à l’association que l’hôpital n’a mis en place le registre qu’à compter de 2019. Ce alors même que la loi obligeant tous les établissements psychiatriques à tenir un tel registre date du 26 janvier 2016 et que l’instruction ministérielle relative à cette obligation date du 29 mars 2017…
Comment se fait-il que le Centre Hospitalier Spécialisé de Navarre, qui est le seul hôpital psychiatrique du département, ne respecte pas la loi en matière de contention et d’isolement ?
C’est la question que la CCDH compte poser aux autorités.
Cependant, l’établissement a adressé à la CCDH son rapport 2018 relatif aux mesures de contention et d’isolement.
Dans ce rapport, la direction signale sans aucune explication : « un évènement indésirable grave (EID) relatif à la pratique d’isolement et de contention en 2018 ». La CCDH a dès lors questionné l’établissement à ce sujet et attend une réponse.
Par ailleurs, certaines informations contenues au sein du rapport 2018 sont particulièrement préoccupantes.
Tout d’abord, le CHS de Navarre a comptabilisé 798 mesures d’isolement (dont 16% en espace non dédiée). Ce chiffre est très inquiétant, d’autant plus que la durée moyenne d’isolement par patient est de 144 heures (soit 6 jours), pour une durée maximale de 6876 heures (286 jours !) en espace dédié et de 2856 heures (119 jours) en espace non dédié.
Concernant la contention, un total de 313 mesures a été effectué, dont 44% en espace non dédié. La durée maximale de contention par patient est de 472 heures (soit 19 jours) en espace dédié et de 834 heures (34 jours) en espace non dédié.
Par ailleurs, 43 % des patients en soins sans consentement (334 sur 783) ont subi une ou plusieurs mesures d’isolement et 14 % (109 sur 783) des mesures de contention.
Tous ces chiffres et ces pourcentages révèlent une politique et des pratiques contraires aux recommandations de la Haute Autorité de Santé selon lesquelles l’isolement doit être limité à 12 heures et la contention doit être limitée à 6 heures, ces mesures devant toujours restées exceptionnelles ; de plus l’article L.3211-3 du Code de santé publique dispose que, lorsqu’une personne est internée sous contrainte, « les restrictions à l’exercice de ses libertés individuelles doivent être adaptées, nécessaires et proportionnées à son état mental et à la mise en œuvre du traitement requis. En toutes circonstances, la dignité de la personne doit être respectée et sa réinsertion recherchée. ».
L’article L. 3222-5-1 du Code de la santé publique précise également que : « L’isolement et la contention sont des pratiques de dernier recours. Il ne peut y être procédé que pour prévenir un dommage immédiat ou imminent pour le patient ou autrui, sur décision d’un psychiatre, prise pour une durée limitée. Leur mise en œuvre doit faire l’objet d’une surveillance stricte confiée par l’établissement à des professionnels de santé désignés à cette fin. »
Ces pratiques abusives de privations de liberté bafouent non seulement la loi et les recommandations de la HAS mais aussi les droits humains les plus fondamentaux.
Au vu de tels faits graves et manquements à la loi, la CCDH alertera les autorités concernées (Maire, Préfet, Députés, Sénateurs, Agence Régionale de Santé, etc.), afin que cet établissement améliore rapidement ses pratiques et qu’il respecte la dignité et les droits fondamentaux des patients.
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