Recommandations en urgence du Contrôleur général des lieux de privation de libertés – Centre Hospitalier du Rouvray à Sotteville-lès-Rouen
Cet établissement a fait l’objet d’une visite de contrôle en octobre 2019 par la Contrôleure Générale des Lieux de Privation de Liberté (CGLPL), Adeline Hazan qui, au vu de la situation très inquiétante, a publié des recommandations en urgence au Journal Officiel.
Au sein des 23 unités contrôlées du Centre Hospitalier du Rouvray, 41 chambres d’isolement y sont installées et de nombreux abus ont été constatés concernant l’utilisation de celles-ci.
En effet, plusieurs mesures d’isolement ont été prises en contradiction avec les textes de loi en vigueur (dont l’article L.3222-5-1 du code de la santé publique). Il a par exemple été observé des prises de décisions de mise à l’isolement avec les mentions « autant que nécessaire » ou pour une durée d’un mois…
Certaines décisions sont prises sans validation d’un médecin senior et les levées de mesure sont rarement enregistrées.
De surcroît, les chambres d’isolement sont souvent indignes ; elles sont équipées de seaux hygiéniques et ce, parfois sans couvercle, obligeant les patients à respirer leurs excréments. Certaines chambres sont imprégnées d’une odeur d’urine et n’ont pour la plupart pas de bouton d’appel. Des patients sont laissés nus dans la chambre d’isolement pour soi-disant éviter le risque suicidaire…
Certains patients en soins libres sont placés à l’isolement pour des raisons punitives ou bien pour une volonté de contraindre à la thérapie.
Selon la Contrôleure :
« De telles pratiques démontrent à la fois une banalisation mais aussi un dévoiement de l’utilisation de l’isolement, lequel ne doit intervenir que comme une mesure de dernier recours, à des fins exclusivement thérapeutiques et pour un temps le plus court possible, comme l’exige la loi.
Le rapport annuel rendant compte des pratiques d’isolement et de contention, établi en 2018 sur la base d’un registre inexploitable, ne propose aucune comparaison des pratiques entre les unités d’hospitalisation et ne livre aucune analyse sur les moyens employés pour réduire le recours à l’isolement et à la contention, comme l’exigent les textes. »
Il a également été constaté que des enfants sont hospitalisés avec des adultes et parfois enfermés en chambre d’isolement.
En outre, la liberté d’aller et venir de l’ensemble des patients fait l’objet de restrictions. En effet, très peu de patients sont autorisés à circuler librement dans le parc de l’établissement et l’autorisation de circuler n’est donnée aux personnes en soins libres que si les personnes en soins sans consentement sont confinées derrière une porte qui scinde l’unité en deux parties.
La Controleure précise que : « Le droit de libre circulation des patients en soins libres est soumis à la disponibilité des soignants pour ouvrir la porte de l’unité. Ils sont de facto contraints d’être hospitalisés sans même pouvoir accéder aux dispositifs mis en place hors des unités (…) Concernant les patients en soins sans consentement, il convient de rappeler que nulle disposition dans les textes n’indique que ceux-ci doivent être privés de leurs droits ipso facto, y compris celui d’aller et venir : toute restriction doit être individuelle, décidée en fonction de son état clinique, après évaluation médicale. »
Par ailleurs, certains patients se voient imposer le port du pyjama, ce à quoi s’ajoute parfois la prescription d’une sédation.
Ainsi, les recommandations en urgence sont les suivantes :
- L’état des locaux d’hospitalisation doit faire l’objet d’une politique d’investissement harmonisée en vue de leur amélioration. Il doit être mis fin aux conditions d’accueil indignes. L’occupation des lits d’hospitalisation complète ne doit pas dépasser la capacité de l’établissement.
- L’enfermement des patients en soins sans consentement pendant l’hospitalisation complète n’étant pas intrinsèque à ce mode juridique de soin, cette contrainte de principe dans la liberté d’aller et venir au sein de l’hôpital doit cesser. Elle est particulièrement injustifiable pour les patients en soins libres.
- Les pratiques d’isolement doivent respecter en tous points l’article 72 de la loi n°2016-41 du 26 janvier 2016, les recommandations de la HAS de février 2017 et celles du CGLPL de 2016. L’isolement et la contention doivent toujours constituer des pratiques de dernier recours et une politique d’établissement doit être définie afin d’en limiter l’usage.
- Le personnel en charge des patients en soins sans consentement doit être formé, particulièrement lorsqu’il est chargé de l’information de ces derniers sur leurs droits. De manière générale, les patients doivent être mieux informés des conditions de vie et de l’offre de soins pendant leur séjour dans l’établissement.
- Les patients mineurs ne doivent pas être accueillis avec des adultes. Dans tous les cas, leur suivi doit s’exercer sous le contrôle étroit d’un médecin et d’une équipe formés spécifiquement à la pédopsychiatrie.
- La nécessité de disposer d’une chambre d’isolement doit être réfléchie en équipe, dans le cadre du projet médical. Le recours à cette pratique doit être évité par tout moyen ; il doit être totalement exclu dans les unités recevant des enfants de moins de treize ans.
Au vu de tels faits graves et manquements à la loi, la CCDH alerte sans attendre les autorités concernées (Maire, Préfet, Députés, Sénateurs, Agence Régionale de Santé, etc.), afin que cet établissement change drastiquement ses pratiques et respecte la dignité et les droits fondamentaux des patients. La CCDH manifestera devant les portes du Centre Hospitalier du Rouvray en janvier prochain.
La CCDH est une association spécialisée dans la protection des droits de l’Homme dans le domaine de la santé mentale. Elle reçoit chaque semaine des dizaines de témoignages de famille et de victimes abusées. Depuis plus de 40 ans, elle dénonce les pratiques inhumaines et dégradantes de la psychiatrie et œuvre pour le respect des droits et de la dignité des patients.
Pour toute information, contactez la Présidente de la Commission des Citoyens pour les Droits de l’Homme au 01.40.01.09.70 ou par e-mail à : info@ccdh.fr