La CCDH a organisé un périple de 10 manifestations dans l’Ouest !
Dans le cadre d’un périple de quatre jours organisé en août 2021 pour le respect des droits fondamentaux en psychiatrie, les bénévoles de la Commission des Citoyens pour les Droits de l’Homme (CCDH) se sont rendus devant 10 établissements psychiatriques de l’Ouest de la France afin de dénoncer les abus en matière d’isolement et de contention.
Ce périple a débuté le mercredi 11 août 2021 devant le Centre Hospitalier Henri Ey de Bonneval puis a continué vers les Pays-de-la-Loire, puis la Bretagne, pour se terminer au Centre Psychothérapique de l’Orne à Alençon.
Depuis la loi du 26 janvier 2016, tous les établissements psychiatriques sont obligés de tenir un registre de contention et d’isolement et d’émettre un rapport annuel pour rendre compte de leurs pratiques aux autorités. Cette obligation a été introduite pour assurer un contrôle et une traçabilité des mesures de privation de libertés pratiquées en psychiatrie. Cela fait suite aux multiples rapports du Contrôleur général des lieux de privation de libertés dénonçant les dérives en psychiatrie et l’atteinte à la dignité.
Ainsi, dans le cadre de la loi sur l’accès aux documents administratifs, la CCDH a demandé la communication des registres et rapports annuels de contention et d’isolement pour les années 2017, 2018 et 2019 auprès de tous les établissements psychiatriques français afin de faire un état des lieux sur ces mesures de privation de libertés.
Après étude des registres et rapports reçus de la part des 10 hôpitaux mentionnés ci-dessous, le constat est plus qu’alarmant !
A titre d’exemples :
Au CH Henri Ey de Bonneval (selon les registres et rapports des années 2017 & 2018) :
- Une vingtaine de patients ont subi des mesures d’isolement prises pour des durées abusives sur l’année 2017 et une quinzaine sur l’année 2018 ;
- Un patient a subi un total de 288 jours dont 251 jours consécutifs, en 2018 ;
- Sur un total de 222 mesures d’isolement prises sur l’année 2017, 74 ont concerné des patients en soins libres ; etc.
A l’EPSM de la Sarthe (selon les registres et rapports des années 2018 & 2019) :
- Cet établissement est l’un des pires de France en matière de durées abusives d’isolement et de contention ;
- Plus de 80 patients ont subi des mesures d’isolement et/ou de contention prises pour des durées abusives sur les années 2018 à 2019 ;
- Un patient a subi un total de 790 jours d’isolement quasiment consécutifs entre mars 2018 et mai 2020. Ce patient était hospitalisé en soins libres durant 611 jours sur les 790 ;
- Un autre patient a subi un total de 494 jours d’isolement et de 436 jours de contention et ce, en étant hospitalisé en soins libres durant la moitié de ce temps ;
- Un pourcentage très important des mesures des années 2018 et 2019 ont concerné des patients hospitalisés en soins libres (un minimum de 60 % selon le rapport); etc.
CESAME de Sainte-Gemmes-sur-Loire (selon les registre et rapport de l’année 2019) :
- Au moins une trentaine de patients ont subi des mesures d’isolement et/ou de contention prises pour des durées abusives sur l’année 2019 ;
- Un patient a subi un total de 228 jours d’isolement en 2019 ;
- Un autre patient a subi un total de 214 jours d’isolement assortis de 72 jours de contention en 2019 ; etc.
CHU de Nantes (selon les registres et rapports des années 2018 & 2019) :
- Plus d’une centaine de patients ont subi des mesures d’isolement et/ou de contention prises pour des durées abusives sur l’année 2018 et environ 70 sur l’année 2019 ;
- Un patient a subi un total d’environ 300 jours d’isolement (dont 108 mesures prises alors qu’il était en soins libres) ;
- En 2019, un patient a subi un total de 253 jours d’isolement assortis de 43 jours de contention (20 mesures ont été prises alors qu’il était en soins libres) ;
- Plusieurs mineurs ont subi des durées importantes d’isolement dont un patient qui est resté au total 240 jours à l’isolement en 2019 ; etc.
Centre Hospitalier de Challans (selon les registres et rapports des années 2018 & 2019) :
- Une vingtaine de patients ont subi des mesures d’isolement et/ou de contention prises pour des durées abusives sur l’année 2018 et environ 22 sur l’année 2019 ;
- Un patient a subi 366 jours consécutifs d’isolement de novembre 2018 à novembre 2019, soit une année entière en isolement;
- Un patient a subi 21 jours consécutifs de contention en septembre 2018 ;
- Un mineur de 15 ans a subi 17 jours consécutifs d’isolement en avril 2019 ; etc.
EPSYLAN de Blain (selon les registre et rapport de l’année 2019) :
- Plus d’une quarantaine de patients ont subi des mesures d’isolement prises pour des durées abusives sur l’année 2019 ;
- Un patient a subi 151 jours consécutifs d’isolement ;
- Un patient mineur a subi un total de 31 jours d’isolement;
- Plusieurs patients hospitalisés en soins libres ont fait l’objet de mesures d’isolement pour des durées abusives ; etc.
EPSM Jean-Martin Charcot de Caudan (selon les registre et rapport de l’année 2018) :
- Plus d’une trentaine de patients ont subi des mesures d’isolement et/ou de contention prises pour des durées abusives durant l’année 2018 ;
- Un patient a subi 76 jours d’isolement entre fin février et mi-mai 2018 ;
- Un grand nombre de mesures d’isolement ont été effectuées hors espace dédié, c’est-à-dire dans une chambre dite « normale », qui n’est pas une chambre d’isolement ;
- Un patient a subi 31 jours de contention; etc.
EPSM du Finistère Sud (selon les registres et rapports des années 2017 à 2019) :
- Au moins 75 patients ont subi des mesures d’isolement et/ou de contention prises pour des durées abusives sur les années 2017, 2018 et 2019 (sachant que la CCDH n’a pas eu accès au registre du 2ème semestre de l’année 2017 ni au registre du 1er semestre de l’année 2018) ;
- En 2018 et 2019, un grand nombre de mesures d’isolement ont été prises hors espace dédié (c’est-à-dire en hors d’une chambre d’isolement) ;
- Les dates de fin de mesures ont été omises pour une quinzaine d’entre elles sur le registre 2017, ce qui ne permet pas de savoir combien de temps elles ont duré ;
- Un patient a subi 148 jours consécutifs d’isolement entre septembre 2018 et janvier 2019 ;
- Un patient a subi 14 jours de contention en 2017 ; etc.
Centre Hospitalier Guillaume Régnier de Rennes (selon les registre et rapport de l’année 2018) :
- Tout comme l’EPSM de la Sarthe, cet établissement est l’un des pires de France en matière de durées abusives d’isolement et de contention;
- Plus de soixante-dix patients ont subi des mesures d’isolement et/ou de contention prises pour des durées abusives sur l’année 2018 ;
- Pour près d’une centaine de patients, les dates de fin des mesures d’isolement ne sont pas indiquées alors que leurs durées totales le sont ; celles-ci sont comprises entre 10 et 646 jours ;
- Entre 2018 et 2019, un patient a subi 409 jours d’isolement. Il a également subi 510 jours consécutifs de contention;
- Un autre patient a subi 506 jours de contention consécutifs; etc.
CP de l’Orne à Alençon (selon les registres et rapports des années 2018 et 2019) :
- Plus de quarante patients ont subi des mesures d’isolement et/ou de contention prises pour des durées abusives en 2018 et 2019 ;
- Un patient a subi un total de 357 jours d’isolement répartis sur 2018 et 2019 ;
- En 2018, 8 mesures ont été décidées sur des patients en soins libres ;
- Le rapport annuel 2019 signale « Une diminution des mesures en soins libres en 2019 (65 mesures en 2019 contre 148 en 2018) » et reconnait que « 45 des 65 mesures en soins libres ne respectent pas les bonnes pratiques et la circulaire Veil ». Or, le registre contredit le chiffre de 65 mesures en 2019 et comptabilise un total de 312 mesures prises sur des patients en soins libres ; etc.
La CCDH ayant constaté que la loi n’est pas respectée et que la dignité et les droits fondamentaux des patients sont totalement bafoués, a décidé de se rendre sur place afin de dénoncer haut et fort ces abus.
Lors de ces 10 manifestations, des témoignages très touchants de patients et de famille de patients ont été transmis à la CCDH.
Or, selon la loi, l’isolement et la contention doivent être utilisés en dernier recours, de façon exceptionnelle. La Haute Autorité de Santé précise que la durée de l’isolement ne doit pas excéder 12 heures, la durée de la contention 6 heures. Les durées dépassant ces limites devant demeurer exceptionnelles.
La CCDH rappelle les dispositions de l’article L3222-5-1 du Code de santé publique (version en vigueur entre 2017 et 2019) :
- «L’isolement et la contention sont des pratiques de dernier recours. Il ne peut y être procédé que pour prévenir un dommage immédiat ou imminent pour le patient ou autrui, sur décision d’un psychiatre, prise pour une durée limitée. Leur mise en œuvre doit faire l’objet d’une surveillance stricte confiée par l’établissement à des professionnels de santé désignés à cette fin. (…) »