Le cri d’alarme des psychiatres
Sous le slogan « l’effondrement est proche », quatre syndicats de psychiatres du secteur public appellent à une journée de mobilisation et d’action le 28 juin 2022. Jamais, selon eux, la psychiatrie et les psychiatres n’auraient été autant méprisés et maltraités.
D’habitude, ce sont plutôt des patients qui se plaignent d’être « méprisés et maltraités », mais il est évident que la psychiatrie traverse une crise majeure et, dans ce contexte, nous avons bien conscience des difficultés que rencontrent au quotidien les personnels de santé de ce secteur.
L’afflux de nouveaux patients associé au manque de moyens seraient, disent certains, à l’origine de cette crise.
Selon un rapport de la Sécurité Sociale de juillet 2020, et comme nous le rappelons dans notre brochure « Psychiatrie, enjeu sanitaire et financier » (disponible sur notre site au lien suivant https://www.ccdh.fr/publications/brochures/faits-et-mefaits-en-psychiatrie/psychiatrie-enjeu-sanitaire-et-financier/ ), la psychiatrie occupait en 2018 la 2ème place en termes de dépenses du budget santé avec 23,4 milliards d’euros, avant même les dépenses liées aux traitements du cancer.
Dépenser toujours plus ou dépenser mieux ? Cette question, en ces temps de crises, ne se pose pas que pour la psychiatrie, elle se pose dans tous les secteurs et à tous les niveaux.
Une des conséquences de ce « manque de moyens » serait, toujours selon les organisateurs de cette journée, « la dégradation des soins portés aux patients, une majoration des tensions et des recours à l’isolement et à la contention »
L’argument du « manque de moyens » pour expliquer ou tenter de justifier les atteintes majeures aux droits et à la dignité des patients, tels que le recours abusif aux mesures de contention et d’isolement nous semble non seulement léger et insuffisant, mais aussi et surtout à la limite du cynisme.
Les témoignages recueillis par la CCDH, l’étude des registres de contention et d’isolement émanant des hôpitaux eux-mêmes, confirmés par de nombreux rapports du Contrôleur général des lieux de privations de liberté (CGLPL) montrent qu’avec des moyens similaires, certains hôpitaux recourent beaucoup moins que d’autres à ce type de mesures.
L’argument-chantage « donnez-nous plus d’argent si vous voulez que nous respections les droits de l’Homme » est inacceptable et choquant.
Toute l’histoire de la psychiatrie, que ce soit en France, aux Etats-Unis, en Allemagne ou dans d’autres pays, est jalonnée de demandes afin d’obtenir toujours plus de crédits.
Alors, faut-il chercher la solution dans un énième replâtrage ? Faut-il continuer de tenter de combler à coups de milliards un puit sans fond ? Faut-il continuer de cautionner des méthodes et des « traitements » d’un autre âge ? Faut-il continuer de tolérer des atteintes graves et répétées aux droits des patients ?
Des solutions existent. Toutes les pistes pour évoluer vers une psychiatrie plus humaine et plus respectueuse des droits et de la dignité des patients sont loin d’avoir été explorées. Nous en proposons quelques-unes dans notre brochure citée plus haut.
Donc oui, le moment d’une remise en cause fondamentale des pratiques actuelles de la psychiatrie est sans doute venu. Les membres de la CCDH continueront sans relâche de militer dans ce sens.