Manifestation de la Commission des Citoyens pour les Droits de l’Homme aux portes du Congrès Français de Psychiatrie 2022 à Lille
Le Congrès Français de Psychiatrie a lieu au Grand Palais de Lille du 29 novembre au 3 décembre 2022.
Un grand nombre de conférences, d’ateliers, de forums, de débats vont s’y tenir sur une très grande variété de thèmes ; des thèmes classiques bien sûr tels que les addictions, la psychiatrie des personnes âgées, des adolescents ou des femmes enceintes, mais également des thèmes plus surprenants comme le retour de thérapies psychédéliques, l’usage de dérivés de la kétamine, du LSD, du protoxyde d’azote pour « traiter » les dépressions résistantes et certains troubles anxieux chez les jeunes adultes et les personnes âgées, la stimulation cérébrale non invasive, ou encore les «spécificités féminines du cerveau déprimé », etc.
Sur les 145 pages du programme, un thème essentiel brille par son absence : les droits de l’Homme en psychiatrie.
Pourtant, ce sujet des droits fondamentaux en psychiatrie est au cœur des préoccupations, aussi bien au niveau national de la part du Contrôleur Général des Lieux de Privation de Liberté et du Défenseur des Droits, qu’au niveau Européen auprès de la Cour Européenne des Droits de l’Homme et du Comité Européen pour la Prévention de la Torture, qu’au niveau international de la part du Comité des Droits de l’Homme et du Comité contre le Torture des Nations Unies.
Et pourtant, nous constatons qu’aujourd’hui en France :
- plus de 70 000 hospitalisations sous contrainte par an en psychiatrie avec une hausse des mesures de soins sans consentement depuis plusieurs années ;
- une augmentation inquiétante des mesures de contention et d’isolement ;
- plus de 25 000 séances d’électrochocs sont pratiquées, avec des formulaires de consentement qui n’en sont pas ! Le consentement libre et éclairé du patient ne peut se faire qu’en lui détaillant précisant les effets irréversibles du choc électrique sur son cerveau. Dans la pratique, ce consentement est totalement bafoué.
Des pratiques brutales et coercitives telles que le recours abusif aux internements sous contrainte, aux mesures d’isolement et de contention, continuent d’avoir cours quotidiennement dans nos hôpitaux psychiatriques.
A titre d’exemple, la CCDH a pu ainsi révéler, preuves à l’appui ( à savoir les documents mêmes des hôpitaux psychiatriques concernés), que des milliers de patients, notamment des mineurs et des personnes âgées, ont été et sont en toute illégalité placés à l’isolement et en contention pendant des semaines, des mois et même des années (voir sur le site www.ccdh.fr le document intitulé « Droits humains en psychiatrie : analyse des pratiques d’isolement et de contention en France »)
La CCDH reçoit chaque semaine des témoignages alarmants sur de telles pratiques abusives, inhumaines, entraînant bien souvent de graves effets délétères.
Voici quelques témoignages de patients psychiatriques récemment reçus par l’association :
- « J’ai vu, un soir, un gardien de nuit arriver, hurlant sur les patients, nous traitant comme du bétail, m’obligeant sous les cris à prendre un médicament que je n’étais pas censée prendre. J’ai été obligée de signer de papiers, sans avoir le temps de les lire. J’ai vu l’abus de pouvoir, les humiliations quotidiennes.»
« Protester avec force contre la décision d’un psychiatre de vous interner, se rebeller contre un système dans lequel, paradoxalement, votre parole et vos sentiments ne valent rien ou pas grand-chose, refuser un traitement qu’on vous impose sans explication ni information, résister physiquement à ceux qui tentent de vous maîtriser, la fuite, la défense ou l’attaque, toutes ces réactions naturelles, parfois violentes, face à l’arbitraire deviennent des symptômes supplémentaires de votre « maladie ». Ces soi-disant symptômes viennent justifier a posteriori le « traitement » et donner raison au médecin tout en vous donnant tort. »
« Les soignants profitent de la vulnérabilité des patients pour les humilier et surtout les assujettir. Les infirmiers qui pratiquent l’humiliation, la culpabilisation, les multiples vexations quotidiennes, les abus de pouvoir, le manque de respect et la déshumanisation bafouent nos droits de patients et portent atteinte à notre liberté individuelle qu’ils piétinent constamment. »
C’est dans ce contexte qu’une délégation de la CCDH (Commission des Citoyens pour les Droits de l’Homme, association œuvrant pour le respect des lois et des droits fondamentaux en psychiatrie) a manifesté devant les portes du congrès français de psychiatrie, devant le Grand Palais de Lille, le samedi 3 décembre de 12h à 13h30.
Son but est de rappeler aux psychiatres présents ainsi qu’aux organisateurs de ce congrès que la question des droits des patients est centrale et qu’elle ne devrait pas être escamotée par la profession.
La question des droits de l’Homme en psychiatrie est cruciale, elle devrait être placé au cœur de la réflexion et des débats.
Et surtout, ces pratiques abusives doivent cesser !