Psychiatrie : une évolution des mentalités ?
La théorie selon laquelle la dépression aurait comme origine un déséquilibre chimique du cerveau (un déficit d’une molécule appelée sérotonine) vient d’être très sérieusement remise en question par une étude scientifique de psychiatres britanniques. (https://www.nature.com/articles/s41380-022-01661-0).
Cette théorie de la nature biochimique de la dépression, qui n’a pourtant jamais été prouvée scientifiquement, est à la base même de l’explosion de la production et de la consommation d’antidépresseurs dans le monde. Cela représente des millions de personnes avalant des centaines de millions de comprimés par an, et peut-être surtout des milliards de dollars de chiffres d’affaires engrangés par les laboratoires pharmaceutiques en quelques décennies.
Inutile de préciser que les critiques ont aussitôt fusé pour tenter de dévaloriser cette étude ou d’en relativiser l’intérêt, et que les polémiques autour de ce sujet, compte tenu des enjeux qui y sont liés, sont loin d’être terminées.
Mais de plus en plus de psychiatres semblent mettre en doute les réels « bienfaits » de ce recours quasi-systématique à la chimie.
Il faut noter par exemple une initiative très intéressante du ministre de la santé de la Norvège, présentée récemment par le magazine « Nous les Européens » sur France 2 (https://www.francetvinfo.fr/replay-magazine/france-2/nous-les-europeens/nous-les-europeens-du-vendredi-9-septembre-2022_5333581.html ) : la création en 2015 d’unités de soins psychiatriques « sans médicament » dans les hôpitaux publics. Ce ministre, M. Bent Høje, déclarait à ce propos : « Mon souhait, comme ministre, était de créer un système de santé basé sur l’écoute des patients. Dans ce système, l’idée était non seulement d’écouter les patients, mais aussi de les considérer comme des partenaires égaux ». Soulignons que c’est le travail acharné de plusieurs associations norvégiennes de patients et de familles qui a permis d’aboutir à cette décision.
Nous pourrions multiplier les exemples, en France comme à l’étranger, pour illustrer cette lente mais inexorable évolution des mentalités. Des pays comme le Brésil, l’Inde, le Kenya, le Myanmar, la Nouvelle-Zélande ou encore le Royaume-Uni, ont su évoluer vers de meilleures pratiques psychiatriques touchant non seulement à l’absence de coercition et à une meilleure intégration des patients dans la communauté, mais aussi au respect de leur capacité juridique, à savoir leur droit à prendre des décisions concernant leur traitement et leur vie.
Il est évident qu’aucun traitement quel qu’il soit, et notamment aucune prescription de psychotropes, ne devrait pouvoir se faire sans une information complète et objective de ses effets secondaires possibles et donc, sans le consentement libre et éclairé du patient et de sa famille.
Les institutions internationales les plus importantes telles que l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS), le Conseil des Droits de l’Homme de l’Organisation des Nations Unies, la Convention des Nations Unies relative aux droits des personnes handicapées (CDPH) dénoncent désormais sans équivoque non seulement les pratiques coercitives de la psychiatrie au niveau mondial, mais aussi la sur-médication et le recours excessif aux psychotropes dus à une approche strictement biochimique de la santé mentale :
Et même l’Association Mondiale de Psychiatrie (World Psychiatric Association – WPA) vient d’opérer un revirement complet sur le sujet : https://www.wpanet.org/alternatives-to-coercion?lang=fr
Il ne reste plus qu’à mettre toutes ces bonnes intentions et résolutions en pratique. C’est un vaste programme !