TEMOIGNAGE DE GEORGES, INTERNÉ DE FORCE EN PSYCHIATRIE
Je m’appelle Georges, j’ai 29 ans et j’ai été hospitalisé sous contrainte il y a 6 ans par ma psychiatre du CMP (Centre Médico-Psychologique) sous le régime de l’hospitalisation à la demande de tiers. Le tiers était mon père, qui a signé sous l’influence de la psychiatre.
J’ai été piégé lors d’un rendez-vous au CMP, lorsque les policiers et les infirmiers sont entrés dans le bureau. Je n’avais pas d’autre choix que de les suivre et de m’allonger sur le brancard, direction l’hôpital Sainte Anne à Paris.
Je suis resté enfermé environ un mois et trois semaines. Mais le pire restait à venir : j’ai fait appel de la décision du JLD (Juge des Libertés et de la Détention) qui avait confirmé le bien-fondé de mon hospitalisation en première instance, car j’étais fermement opposé aux arguments de la psychiatre, et convaincu que je pourrais prouver ma bonne foi au tribunal de grande instance, en appel.
Voici ce qui s’est passé :
La date de l’audience arrive, je suis accompagné au Palais de justice où je rencontre mon avocate commis d’office à qui je décris ma situation en 10 minutes.
L’audience se tient ensuite à huit clos, à ma demande.
J’en sors avec beaucoup d’espoir, et je suis raccompagné à l’hôpital Sainte Anne.
Trois jours plus tard, les psychiatres me convoquent en entretien et me font part de deux nouvelles :
– La première, c’est que le juge d’appel a prononcé la mainlevée de l’hospitalisation. Ce qui signifie que je devrais déjà être sorti, libéré.
– La seconde, c’est que les psychiatres, ayant appris cette première nouvelle, ont décidé que l’hôpital Sainte Anne ferait appel de la décision, et ont convoqué mes parents le plus rapidement possible afin de leur faire signer une deuxième demande d’hospitalisation à la demande de tiers.
Je suis donc resté enfermé un mois supplémentaire, contre la décision du juge d’appel, qui lui n’a probablement jamais su que sa décision n’avait pas été respectée.
J’ai enduré pendant près de deux mois l’enfermement, l’administration forcée de plusieurs « médicaments » auxquels j’étais pour certains allergiques.
Une psychiatre a eu le sadisme de me faire administrer une injection de médicaments durant plusieurs jours, alors que je lui avais dit droit dans les yeux que je me savais allergique à ces traitements.
Le traitement a provoqué le blocage de ma mâchoire pendant plus d’une heure, mais aussi des éruptions cutanées sur le torse, et je peinais à respirer lorsque j’étais en position allongée.
J’ai subi l’isolement, la promiscuité, l’angoisse de ne pas savoir quand j’allais sortir de cet enfer, la camisole chimique constante 3 fois par jour. L’humiliation du pyjama bleu pendant les 15 premiers jours, la confiscation du téléphone portable, les altercations entre patients, les vols.
Au bout d’un mois, voyant que j’étais l’élément le plus stable du secteur, le personnel médical m’a utilisé comme variable d’ajustement afin de libérer un lit du secteur quand ils en avaient besoin : à partir de là, c’est comme si je n’avais plus de chambre. Chaque jour je me réveillais en sachant que j’allais devoir quitter cette chambre. Je devais rassembler chaque jour mes affaires et les transporter dans un autre bâtiment de Sainte Anne, où je resterais jusqu’au lendemain.
Je suis sorti de Sainte Anne affublé d’un diagnostic de « schizophrénie hébéphrénique » : une schizophrénie sans délire, sans hallucination (ce n’est pas une blague). Mes soi-disant symptômes étant, je vous la fais courte, le manque de motivation et le manque d’émotions.
Qui dit diagnostic, dit traitement. Cela fait 6 ans que tous les 28 jours je dois me rendre au CMP afin de me faire injecter une dose. Je me suis également vu prescrire des antidépresseurs.
J’ai vu autour de moi des gens sombrer, s’effondrer psychiquement, physiquement et socialement à cause des traitements : la plupart de ceux qui survivent encore sont obèses voire diabétiques du fait de l’augmentation de la glycémie provoquée par les neuroleptiques et par le besoin de manger pour ressentir du plaisir.
La psychiatre qui m’a fait enfermer, et que je vois toujours, a enfin accepté de réduire les doses, et même de faire un mois d’essai sans injection. Ce médicament provoque la peur généralisée, un sentiment de ne pas pouvoir profiter des choses de la vie, retire toute volonté et possibilité d’action.
Voici en bref ce que le médicament a provoqué chez moi :
– J’ai pris jusqu’à 60 kg
– Je me suis fait détecter par une pneumologue une grave apnée du sommeil, qui est un des effets secondaires, contre lequel aucune psychiatre ne m’a jamais mis en garde. Il a fallu 5 ans avant ce diagnostic : 5 ans pendant lesquels je faisais 43 apnées par heure quand je dormais, les apnées pouvant durer jusqu’à 1 min 30 secondes. Je devais me réveiller et m’asseoir dans mon lit pour reprendre mon souffle. La pneumologue m’a confirmé qu’à la longue le risque d’infarctus était réel. Je m’endormais dans la journée, j’étais constamment fatigué.
– Une semaine après l’injection intra musculaire au niveau de la fesse, je suis pris de démangeaisons et des abcès et rougeurs apparaissent sur ma peau. J’ai des cicatrices qui attestent de 6 ans de destruction de mon corps, en plus de mon esprit.
– Enfin comme je l’ai décrit précédemment, c’est un médicament qui retire le plaisir de vivre. Il est présenté comme un neuroleptique régulateur d’humeur de dernière génération et il est encore très à la mode : il est prescrit contre… L’autisme, le trouble bipolaire, la schizophrénie… Ça fait déjà pas mal de clients réguliers, y compris des enfants.
Après avoir lutté pendant des années j’aperçois enfin la lumière au bout du tunnel.
Mais les choses ne vont pas en rester là. Trop de temps m’a été confisqué, trop de mal a été fait à mon corps et à mon esprit. Je compte bientôt entamer une action en justice.