Témoignage de maltraitances au sein de services de psychiatrie
Étudiante étrangère, je suis venue en France pour suivre mes études supérieures. Dans le cadre de mon stage de fin d’étude, j’ai développé une forme de dépression, selon mon psychiatre référent.
À la suite d’une hospitalisation urgente au sein du service psychiatrique de l’hôpital Pitié Salpêtrière en juin 2022 pour une idée suicidaire sans passage à l’acte, un psychiatre m’a recommandé de finir mon hospitalisation dans un autre hôpital. Je lui ai demandé si je pouvais récupérer mon téléphone pour avertir ma famille avant de partir, il m’a répondu par l’affirmative.
C’est là que commencent mes déboires.
Je demande aux trois soignantes de service ce jour-là de me restituer mon téléphone. Elles ignorent ma demande. En outre ma chambre étant sans toilettes, je leur demande de pouvoir y aller. Elles ignorent une nouvelle fois ma demande. Ne pouvant retenir une envie pressante, j’ai dû me soulager ce qui a provoqué mécontentements, intimidations et humiliations de leur part.
Je suis ensuite transférée à l’hôpital psychiatrique Paul Guiraud à Clamart sans mon téléphone ni ma carte bleue et autres effets personnels.
En l’absence d’une réponse favorable à ma demande de récupérer mon téléphone et mes affaires, j’ai passé une nuit angoissante. Le lendemain j’apprends que mes affaires sont introuvables.
Je n’ai pas pu prévenir mon lieu de travail. Je n’ai pas pu prévenir ma famille. Sans nouvelles de ma part, mes proches ont déclaré ma disparition auprès de la police. Des recherches ont débuté.
Le lendemain, j’ai demandé à voir un psychiatre qui était présent mais j’ai essuyé un refus. Après avoir longuement attendu, une psychiatre, avec 3 autres personnes (aide-soignante, stagiaire et assistante sociale) m’ont accordé un entretien psychiatrique. Je me suis trouvée face à 4 personnes, j’étais mal à l’aise, j’ai demandé que l’entretien se fasse uniquement avec 2 personnes. Ma demande a essuyé un refus cinglant de la part de la psychiatre.
Contrairement à ce que j’attendais, au lieu d’instaurer une relation de confiance et une ambiance rassurante, la psychiatre a refusé d’entendre mes soucis concernant la perte de mon portable et de mes affaires.
La réponse de la psychiatre : « Ce n’est pas notre affaire à nous ! », m’a choquée et a augmenté mon malaise, je me suis trouvée face à du mépris.
À la fin de cet interrogatoire brutal, j’ai tenté de leur expliquer que je prévoyais un voyage pour voir ma famille, voyage approuvé par mon psychiatre référent qui l’avait vivement recommandé. La réaction de la psychiatre a été inattendue :
« On ne peut pas discuter plus, on a décidé de vous interner avec restriction, point final ».
La décision a été prise sans me remettre un papier à signer et sans explications.
A cause de ce harcèlement moral (maltraitance, sensation de séquestration à l’hôpital, humiliation de la part du corp médical, incapacité de contacter mon entourage…) mon état de santé s’est aggravé. Désespérée, j’ai commis un acte suicidaire au sein même de l’hôpital : phlébotomie grave, et scarification. J’ai commencé à crier à l’aide, mais personne n’est venu. J’ai commencé à me sentir faible, à ressentir une sensation de vertige et des nausées.
Je savais que j’allais mourir si je restais dans ma chambre, j’ai rassemblé toutes mes forces et suis sortie en courant dans le couloir jusqu’à la grande porte de l’hôpital.
Une personne de l’accueil m’a interceptée et mise à terre. Ensuite d’autres personnes m’ont entourée. Paniquée et sous le choc, je pleurais et j’ai hurlé : « Je voudrais juste voir mon fils » puis l’aide-soignante, l’une des responsables, s’est précipitée pour m’attraper le pied, profitant que j’étais allongée à terre, je l’ai éloigné de moi par réaction auto-défensive.
Après des soins sur ma blessure, ils m’ont dirigé vers le bureau du Dr R.G. Celui-ci m’a demandé la cause de ma réaction. J’ai commencé à lui expliquer ce qui s’était passé. Il m’a interrompu en disant : « Ce sont mes collègues, je les connais très bien ». Il a refusé de noter mes propos dans son rapport. Il a conclu rapidement sans m’entendre. Il a pris la décision de l’isolement (sans me préciser la durée) et ne m’a jamais parlé de la « contention ». Aucune information ne m’a été communiquée. Par ailleurs, il est bien noté dans le rapport me concernant que je suis asthmatique et que je dois absolument utiliser ma Ventoline. Il est bien noté également dans le rapport que je ne souffre d’aucun trouble psychiatrique : propos cohérents, absence d’agitation, tenue calme.
Le but était-il de me surprendre pour que je sois traumatisée et punie ? C’est ce qui est arrivé.
J’ai été surprise lorsque je suis entrée dans la chambre d’isolement. Le moment le plus choquant de ma vie : c’était la première fois que je voyais le dispositif de torture. C’est lorsque l’équipe a commencé à me demander d’enlever mes vêtements et de mettre une protection (très humiliant et traumatisant) puis m’a attaché sur le lit, que j’ai su que mon sort était entre leurs mains.
Je suis restée en chambre d’isolement avec contention mécanique (attachée) pendant 12 heures à la suite, c’est-à-dire de 19h à 07h du matin : immobilisation totale, les 4 membres attachés et la poitrine sanglée (malgré mon asthme). J’avais l’interdiction d’aller aux toilettes et d’utiliser ma Ventoline malgré mes crises respiratoires.
Le lendemain à 7h, j’étais transférée pour une opération du bras. A mon retour, escortée, je me suis dirigée directement en chambre d’isolement et fut surprise de trouver la contention déjà préparée sans m’en informer. Aucun psychiatre n’est venu m’expliquer la raison de la prolongation de cette torture.
Étonnée et terrifiée, au moment où ils ont commencé à m’attacher, j’ai demandé à l’infirmière de m’expliquer ce qui se passait. Elle m’a dit que la psychiatre avait décidé de poursuivre la contention.
La deuxième période de contention a duré 15 heures sans interruption : de 19h jusqu’à 10h le lendemain, sans aucune visite d’un psychiatre pour me parler, me rassurer ou juste évaluer mon état psychique.
Durant cette période, j’ai souffert le martyre. J’étais terrorisée. J’étais torturée. J’ai souvent crié en suppliant mais sans réponse, parfois pour demander d’aller aux toilettes, et parfois parce que j’avais la sensation d’étouffer à cause de mon asthme et la position statique gênant la respiration – contention de poitrine – j’ai éprouvé aussi des douleurs de rétention urinaire.
Il n’y avait que peu de visites des aides-soignants, pressés et parfois entrant vite fait, sans me parler ni me rassurer. Bref c’était une torture psychique et physique datant du moyen-âge.
Aucune de ces mesures n’ont été appliquées selon les consignes de la HAS (Haute Autorité de Santé).
Pendant ce temps mon frère est parvenu à repérer l’endroit où j’étais séquestrée à la suite de nombreux appels téléphoniques vers les hôpitaux et les services de police. Je note que les policiers se sont déplacés pour me chercher dans ma chambre en présence du gestionnaire.
Au moment de l’arrivée de mon frère, à 10 h du matin, le psychiatre est venu me libérer (levée de la contention) et m’a dit qu’il allait discuter avec mon frère et que la psychiatre M. (avec qui j’avais eu des problèmes) serait présente. Une dernière provocation pour tenter de m’intimider. De mon côté, sous l’effet de la torture et de la fatigue, j’ai tout approuvé.
Je suis sortie dans un état plus dégradé qu’auparavant, physiquement et psychiquement, traumatisée du fait des contentions abusives, avec une phobie des services hospitaliers et des psychiatres.