Santé mentale des Français : des statistiques tronquées ?
Des statistiques alarmantes circulent dans les médias depuis quelque temps sur la santé mentale des Français et notamment celle des jeunes.
La question est de savoir quelle est la valeur scientifique réelle de telles statistiques.
Il est affirmé régulièrement, et spécialement lorsqu’il s’agit de réclamer « plus de moyens » pour la psychiatrie, qu’un Français sur 5 (ce qui fait quand même 13 millions de personnes) souffrirait de « problèmes de santé mentale ».
Mais qu’appelle-t-on précisément « problème de santé mentale » ? Où place-t-on le curseur pour définir cette notion qui est évidemment très subjective ?
La Cour des Comptes, pourtant habituée à plus de rigueur, affirme en mars 2023 :
- «Bien que le manque de données concernant la situation française rende difficile l’estimation des effectifs concernés, on peut néanmoins estimer qu’environ 1,6 million d’enfants et adolescents souffrent d’un trouble psychique ».
Ce chiffre, qui n’est en fait qu’une vague estimation englobant dans le même sac des publics aussi différents que des bébés, des enfants de 5 ou 10 ans et des adolescents, est ensuite repris par des parlementaires ou des syndicats de psychiatres qui interpellent le gouvernement afin de réclamer plus de moyens pour la pédopsychiatrie.
La même question de définition se pose à propos d’un sondage Harris Interactive pour la Mutualité Française en 2021 sur un échantillon de 1050 personnes qui affirme en extrapolant que « 64 % des français déclarent avoir déjà ressenti un trouble ou une souffrance psychique. »
Et tout récemment, une nouvelle étude publiée par Santé publique France affirme que 13% des enfants scolarisés âgés de 6 à 11 ans sont touchés par au moins un trouble de santé mentale : 5,6% des enfants souffriraient de trouble émotionnel, 6,6% de trouble oppositionnel (humeur colérique, comportement provocateur, etc.) et 3,2% de trouble d’inattention et/ou d’hyperactivité.
Là encore, n’est-on pas en train, de manière très progressive et insidieuse, de transformer des évènements courants de la vie d’un enfant tels qu’un gros chagrin, une grosse colère, une révolte contre une punition injuste ou une attitude de défi face à un adulte ou un autre enfant en « troubles émotionnels », ou en « trouble oppositionnel » ? Un enfant qui pleure ou qui proteste, qui s’oppose ou qui se révolte n’est pas nécessairement, et de loin, en train de manifester un trouble mental, il est juste un enfant.
Depuis plusieurs décennies déjà, on tente de nous faire passer des vessies pour des lanternes, à savoir des réactions humaines normales et courantes de la vie quotidienne pour des « troubles psychologiques ». Il suffit pour s’en convaincre de consulter la liste à progression exponentielle des soi-disant troubles du comportement contenue dans le DSM, le manuel diagnostique et statistique des psychiatres *
Les statistiques sont une branche des mathématiques et exigent donc une rigueur scientifique et une précision dont il est difficile de trouver ici la moindre trace.
Nous souhaitons juste poser cette simple question :
Quel genre de bonnes décisions peut être basé sur des statistiques tronquées ?
* DSM : livre de l’Association américaine de psychiatrie qui sert de référence aux psychiatres du monde entier pour classer selon les symptômes les « troubles mentaux » : voir sur ce même site le lien vers le documentaire américain consacré au DSM