Les droits fondamentaux des mineurs enfermés
La Contrôleure générale des lieux de privation de liberté publie un nouveau rapport thématique “Les droits fondamentaux des mineurs enfermés” en février 2021.
Le CGLPL est confronté à la privation de liberté de mineurs dans toutes les catégories d’établissements qu’il contrôle. Certes, les régimes d’enfermement y sont différents, mais les mineurs présentent des caractéristiques communes entrainant des droits spécifiques. Et donc des obligations particulières pour les services qui en ont la charge.
Peu protecteurs, les modes d’entrée des mineurs dans ces lieux n’évitent ni la croissance de leur enfermement, ni l’insuffisance de leur prise en charge. De plus, les structures ne sont pas toujours adaptées à la nécessaire protection d’enfants et d’adolescents particulièrement vulnérables. Et, enjeu majeur de leur insertion, une continuité de parcours ne leur est pas assurée. Enfin, le droit à l’éducation et le maintien des liens familiaux ne sont pas toujours garantis.
Sans prétendre à l’exhaustivité – au regard de la diversité des structures – mais en se fondant sur les constats effectués lors de ses visites, le CGLPL dresse un état des lieux préoccupant de la situation des mineurs privés de liberté.
La CCDH a sélectionné les extraits relatifs aux mineurs enfermés dans les services de santé mentale, les voici ci-dessous :
CHAPITRE 1
L’enfermement des enfants, sous toutes ses formes, se développe
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VI – Les mineurs en établissement de santé mentale
Le rapport thématique du CGLPL Les droits fondamentaux des mineurs en établissement de santé mentale aborde dans le détail les modes d’entrée des mineurs dans ces établissements.
Il convient succinctement de les rappeler uniquement pour les hospitalisations en soins sans consentement. Par ailleurs, s’agissant du placement en établissement de santé mentale ordonné dans un cadre pénal, il convient d’actualiser les données par la prise en compte de la réforme à venir du CJPM. Un mineur peut être admis en soins psychiatriques sur décision du représentant de l’État ou confié à un établissement hospitalier sur décision du juge des enfants.
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A – L’admission en soins psychiatriques sur décision du représentant de l’État
Pour les mineurs comme pour les majeurs le code de la santé publique (CSP) soumet ce type d’admission à l’existence, attestée par un certificat médical d’un médecin psychiatre n’exerçant pas dans l’établissement d’accueil, de troubles mentaux nécessitant des soins et compromettant la sûreté des personnes ou portant atteinte, de façon grave, à l’ordre public (CSP, art. L. 3213-1).
Les arrêtés préfectoraux doivent être motivés et énoncer avec précision les circonstances ayant rendu l’admission en soins nécessaire. Cette procédure ouvre certaines garanties au patient notamment le droit de recours contre la décision d’admission et l’intervention systématique du juge des libertés et de la détention avant le douzième jour d’hospitalisation. Les établissements de santé mentale élaborent en général des protocoles destinés à garantir le respect du cadre légal mais peu intègrent les dispositions spécifiques aux mineurs, notamment s’agissant des droits des représentants légaux. Il convient de rappeler la recommandation formulée par le CGLPL sur cette procédure.
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RECOMMANDATION 2
La décision d’admission en soins psychiatriques sans consentement prononcée par le représentant de l’État doit être notifiée au patient mineur lorsque son âge ou sa maturité le permet ; elle doit être systématique à partir de treize ans. Elle doit être accompagnée d’explications et d’informations, notamment sur les voies de recours. Une copie de la décision et un formulaire explicatif de ses droits doivent être remis au patient.
Par ailleurs, les titulaires de l’autorité parentale peuvent demander l’hospitalisation de leur enfant mineur, sans que le consentement de ce dernier ne soit une condition de l’hospitalisation (cf. chapitre 6, section 1, II).
B – Le placement à l’hôpital psychiatrique sur décision du juge des enfants statuant dans le cadre d’une procédure d’assistance éducative
Un mineur peut faire l’objet d’une mesure d’assistance éducative si sa santé, sa sécurité, sa moralité sont en danger, ou si les conditions de son éducation ou de son développement physique, affectif, intellectuel et social sont gravement compromises (Code civil, art. 375. 2. Code civil, art. 375-3 et 375-9).
Si la protection de l’enfant l’exige, cette mesure peut consister en un placement y compris dans un établissement sanitaire. Lorsque l’enfant est placé dans une structure médico-sociale, celle-ci peut demander une hospitalisation en psychiatrie mais ne peut la décider, sauf à disposer des attributs de l’autorité parentale. Lorsqu’il s’agit d’un placement en établissement psychiatrique, la décision est soumise à des conditions spécifiques, notamment l’avis circonstancié d’un médecin extérieur à l’établissement. La durée initiale du placement est limitée à quinze jours et peut être renouvelée de mois en mois après avis médical conforme d’un psychiatre de l’établissement d’accueil. Les décisions sont notifiées aux parents et le dispositif est notifié au mineur de plus de seize ans à moins que son état de santé ne le permette pas (Code civil, art. 1190).
Cette mesure est donc proche, s’agissant des conditions, de l’admission en soins psychiatriques sur décision du représentant de l’État : il s’agit de rechercher l’adhésion de la famille au cours d’une audience, même quand la décision doit être prise en urgence (Code civil, art. 375-2) mais sans qu’il en résulte une obligation de résultat, car le juge des enfants doit se prononcer en stricte considération de l’intérêt de l’enfant Code civil, art. 375-5).
L’établissement d’accueil est considéré comme le gardien du mineur susceptible d’accomplir tous les actes usuels relatifs à sa surveillance et à son éducation et doit garantir aux titulaires de l’autorité parentale le respect de certains droits (droit de visite, droit à l’information sur la santé de leur enfant). Si les parents prennent des positions contraires à l’intérêt de l’enfant ou s’en désintéressent le juge des enfants peut autoriser le service gardien à exercer certains attributs de l’autorité parentale (Code de procédure civile, art. 1181 et suivants).
Néanmoins, le placement ordonné par le juge des enfants bien qu’il puisse être décidé en l’absence d’adhésion du mineur et de ses représentants légaux, n’est pas répertorié par le CSP au titre des admissions sans consentement. Il ne donne pas non plus lieu à inscription sur le registre de l’article 3212-11 du CSP. Dans la plupart des établissements ces placements sont regroupés sous le terme « OPP » (ordonnance de placement provisoire) sans distinction. Il convient de rappeler la recommandation émise par le CGLPL dans le cadre de son rapport sur les droits fondamentaux des mineurs en établissement de santé mentale qui reste d’actualité.
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RECOMMANDATION 3
Le mineur confié à un établissement de santé mentale sur le fondement de l’article 375-9 du code civil devraient figurer sur le registre prévu par l’article L. 3112-11 du code de la santé publique.
S’il n’a pas pu être entendu par le juge des enfants avant son admission dans un établissement de santé mentale, le mineur doit être informé, dans les meilleurs délais, de son statut juridique et de ses droits dans le cadre de la procédure d’assistance éducative.
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Le nouveau CJPM (Code de la justice pénale des mineurs) exclut explicitement la possibilité pour une juridiction pénale de placer un mineur pris en charge au titre de l’enfance délinquante dans un établissement de santé mentale ; cette règle s’appliquera à compter de l’entrée en vigueur du CJPM le 31 mars 2021.
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V – L’hospitalisation des mineurs en soin sans consentement
Il est complexe d’évaluer la réalité de la part des mineurs hospitalisés en soins sans consentement pour deux raisons :
- le champ de la pédopsychiatrie ne repose pas sur la définition juridique du mineur mais sur une approche biologique des caractères pubertaires : la pédopsychiatrie prend en charge les patients âgés de moins de seize ans et les patients plus âgés relèvent du champ de la psychiatrie des adultes (CESE, La pédopsychiatrie : prévention et prise en charge, 2010). Les mineurs âgés de plus de seize ans ne font donc pas l’objet d’une traçabilité spécifique ;
- l’immense majorité des mineurs est considérée comme hospitalisée « en soins libres » lorsque ce sont les titulaires de l’autorité parentale qui en sont à l’initiative et l’on considère que seuls quelques centaines de mineurs font l’objet, chaque année, d’une hospitalisation sans consentement stricto sensu, décidée par un juge ou par un préfet.
La mission d’information sénatoriale sur la réinsertion des mineurs enfermés a montré que la pédopsychiatrie peut avoir recours à l’enfermement ou à l’isolement thérapeutique. En 2016, environ 15 000 jeunes âgés de moins de 16 ans ont été concernés par une hospitalisation complète. Près de 400 sont hospitalisés à la demande d’une autorité publique dans le cadre de soins contraints (197 sur décision du représentant de l’État, 239 sur décision du juge des enfants et 42 déclarés irresponsables pénalement) (Audition de Mme Adeline Hazan, Contrôleure générale des lieux de privation de liberté, 12 juin 2018).
L’évolution observée depuis 2014 montre simultanément une augmentation régulière du nombre de mineurs de moins de seize ans admis en hospitalisation psychiatrique (à raison de 2 000 mineurs par an) et une diminution régulière de leur durée moyenne d’hospitalisation.
Il n’existe pas d’étude générale récente sur la pratique spécifique de l’isolement au sein des unités pédopsychiatriques. La dernière étude portant sur la question a été menée en 2005 et montrait que l’isolement était utilisé « avec une grande fréquence », pour tout âge de l’enfance ou de l’adolescence (B. WELNIARZ et H. MEDJDOUB, « L’utilisation de l’isolement thérapeutique au cours des hospitalisations à temps plein en psychiatrie infanto-juvénile », L’information psychiatrique, t. 81, 2005).
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Il convient de rappeler les recommandations du rapport Soins sans consentement et droits fondamentaux du CGLPL.
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RECOMMANDATION 5
Les enfants ou adolescents ne doivent pas être hospitalisés en santé mentale avec des adultes. Dans tous les cas leur suivi doit s’exercer sous le contrôle étroit d’un médecin et d’une équipe formés spécifiquement à la pédiatrie et à a pédopsychiatrie. L’isolement psychiatrique d’un enfant ou d’un adolescent doit être évité par tout moyen ; cette pratique ne doit en aucun cas pallier l’absence de structure d’accueil adaptée à son âge.
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Chapitre 2
Des structures insuffisamment préparées à l’accueil des mineurs
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B – Les établissements de santé mentale
L’hospitalisation de mineurs au sein d’unités fermées en établissements de santé mentale non spécialisés peut entraîner des fermetures d’unités ouvertes ou des placements en chambre d’isolement pour assurer la sécurité du mineur. Le CGLPL est régulièrement saisi de la situation de mineurs hospitalisés dans des conditions qui ne sont pas respectueuses de leurs droits, comme le souligne le rapport thématique Les droits fondamentaux des mineurs en établissement de santé mentale.
Trois types de situations y étaient identifiés :
- des enfants hospitalisés dans des services pour adultes, majoritairement hébergés en chambre individuelle et régulièrement en chambre d’isolement ;
- des enfants hospitalisés en psychiatrie alors qu’ils relèvent de structures sociales ou médico-sociales ;
- de nombreux enfants souffrant de troubles du spectre autistique accueillis dans des unités de pédopsychiatrie, qui ne sont pas toujours adaptées.
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Depuis la publication de ce rapport thématique, le CGLPL a été saisi de plusieurs situations similaires d’enfants, parfois très jeunes, accueillis en établissement de santé mentale dans des conditions dramatiques :
- un garçon de 14 ans présentant des troubles du comportement hétéro-agressif, accueilli dans une unité pour adultes depuis plusieurs mois, maintenu quotidiennement en chambre d’isolement ;
- un garçon de 15 ans, accueilli depuis plusieurs semaines dans un service de psychiatrie générale dans une chambre d’apaisement et y demeurant malgré la mainlevée de la mesure de soins sans consentement par le juge des libertés et de la détention ;
- un garçon de 16 ans atteint de troubles de défaillance de l’attention avec hyperactivité hospitalisé à plusieurs reprises depuis ses 15 ans dans une structure pour adultes, souvent en isolement assorti d’une mesure de contention vécue comme une punition ;
- un garçon de 13 ans hospitalisé pendant plus d’un mois dans une chambre d’isolement d’une unité pour adultes à la suite d’un signalement pour des faits d’agression sexuelle dans l’unité de pédopsychiatrie où il était hospitalisé (CGLPL, Rapport annuel 2018).
Plus récemment, une recommandation du CGLPL précisait : « les patients mineurs ne doivent pas être accueillis avec des adultes. Dans tous les cas, leur suivi doit s’exercer sous le contrôle étroit d’un médecin et d’une équipe formés spécifiquement à la pédopsychiatrie » (CGLPL, Recommandation en urgence relative au centre hospitalier du Rouvray à Sotteville-lès-Rouen, Journal officiel du 26 novembre 2019).
Dans de telles situations, malgré l’implication des équipes soignantes, qui, souvent, alertent sur ces cas, les atteintes aux droits sont multiples :
– au droit à l’éducation, en raison de l’absence de scolarité et d’une prise en charge éducative souvent morcelée ;
– au droit à une vie sociale et à l’apprentissage de celle-ci, en raison de l’isolement et de l’absence de contact avec d’autres mineurs ;
– au droit à l’accès aux soins ;
– au principe de l’égalité de traitement dans certains territoires sous-dotés en structures de pédopsychiatrie, étant entendu qu’une dizaine de départements ne disposent d’aucun lit d’hospitalisation complète ;
– à la liberté d’aller et venir, en raison de l’enfermement durable en chambre d’isolement ;
– à la liberté individuelle, lorsque le maintien en structure fermée est uniquement justifié par des difficultés à trouver une structure adaptée.
Enfin, les unités hospitalières spécialement aménagées (UHSA) sont susceptibles d’accueillir des mineurs détenus souffrant de troubles psychiatriques mais présentent l’inconvénient de ne pas prévoir de prise en charge spécifiquement adaptée ni de séparation entre mineurs et majeurs.
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RECOMMANDATION 6
Les mineurs détenus nécessitant une hospitalisation en psychiatrie doivent être accueillis dans un service de pédopsychiatrie. Pour cela, le recours à la suspension de peine pour raison médicale ou la levée de détention provisoire doivent être favorisés.
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Chapitre 5
Un droit à l’éducation négligé
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Section 1
Un droit pleinement consacré par les normes internationales et françaises
« L’éducation est la première priorité nationale » affirme la première phrase du code de l’éducation (art. L. 111-1). Cet article prévoit également que « le droit à l’éducation est garanti à chacun afin de lui permettre de développer sa personnalité, d’élever son niveau de formation initiale et continue, de s’insérer dans la vie sociale et professionnelle, d’exercer sa citoyenneté ». L’enseignement doit ainsi permettre d’acquérir les connaissances nécessaires à la formation des enfants et adolescents, y compris lorsqu’ils sont privés de liberté. Ce droit à l’éducation des mineurs est prévu par des normes internationales et internes, des dispositions spécifiques aux lieux de privation de liberté s’ajoutant au droit commun.
I – Les normes internationales
Le droit à l’éducation des mineurs est consacré par de nombreux textes internationaux, notamment la Convention internationale relative aux droits de l’enfant qui affirme que « Les États parties reconnaissent le droit de l’enfant à l’éducation, et en particulier, en vue d’assurer l’exercice de ce droit progressivement et sur la base de l’égalité des chances » (Convention relative aux droits de l’enfant, du 20 novembre 1989, article 28). Le droit à bénéficier d’un enseignement scolaire impose à l’État d’assurer la formation des mineurs. L’ONU réaffirme ainsi le droit à l’éducation des enfants concernés par des pathologies mentales (Convention relative aux droits des personnes handicapées du 13 décembre 2006, art. 24) et rappelle également que « la formation et le traitement des mineurs placés en institution ont pour objet de leur assurer assistance, protection, éducation et compétences professionnelles » (Règles minima des Nations unies). Le Conseil de l’Europe souligne pour sa part que « compte tenu de la vulnérabilité des enfants privés de liberté […], les enfants devraient avoir, en particulier, le droit de recevoir une éducation appropriée, une orientation et une formation professionnelle » (Lignes directrices), tout en précisant également que « le droit des mineurs à bénéficier d’une éducation, d’une formation professionnelle, […], ne doit pas être affecté par le prononcé ou l’exécution d’une sanction ou mesure appliquée dans la communauté ».
II – Les normes françaises spécifiques à l’éducation dans les lieux de privation de liberté
En France, l’instruction scolaire est obligatoire jusqu’à seize ans 6 . Des mesures complémentaires ont cependant été adoptées afin de garantir le respect de ce droit pour les enfants placés dans des lieux de privation de liberté. Ainsi, par exemple, les enfants en âge d’être scolarisés hospitalisés dans les services de psychiatrie doivent bénéficier d’un suivi scolaire adapté au sein des établissements de santé, dans la mesure où leurs conditions d’hospitalisation le permettent (CSP, art. L. 1110-6). En ce qui concerne les mineurs incarcérés, le code de procédure pénale prévoit une obligation pour l’éducation nationale de mettre en œuvre les activités d’enseignements dans les établissements pénitentiaires pour mineurs et dans les quartiers mineurs des centres pénitentiaires (CPP, art. R. 57-9-16) .
III – Les mineurs de plus de seize ans
Les jeunes gens de plus de seize ans ne sont pas soumis à l’obligation de suivre un enseignement scolaire. Cependant, l’éducation des jeunes de plus de seize ans placés dans un lieu de privation de liberté à titre de sanction demeure un objectif de ces établissements. La loi pénitentiaire du 24 novembre 2009 prévoit notamment que « les mineurs détenus, lorsqu’ils ne sont pas soumis à l’obligation scolaire, sont tenus de suivre une activité à caractère éducatif » (Loi du 24 novembre 2009 pénitentiaire, art. 60).
De même, les mineurs de plus de seize ans placés en centre éducatif fermé doivent bénéficier d’un suivi éducatif visant à l’acquisition de savoir-faire, avec l’objectif pour ces jeunes « de s’engager dans une formation professionnelle, sauf à ce qu’une poursuite d’études en lycée général et technologique soit envisageable » (DPJJ, note de service du 4 avril 2005). La France s’est dotée d’un ensemble de dispositions législatives et réglementaires qui visent à assurer le respect du droit à l’éducation des mineurs privés de liberté. Toutefois, l’insuffisance des moyens mis en œuvre pour les appliquer entraîne de graves atteintes aux droits de ces enfants et adolescents à bénéficier de l’instruction scolaire.
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Chapitre 6
Des relations familiales distendues
Section 1
Le difficile exercice de l’autorité parentale
I – L’autorité parentale, principes généraux
La privation de liberté d’un mineur ne prive pas les parents de l’exercice de l’autorité parentale et des droits qui en découlent. Les établissements doivent dès lors veiller à respecter les dispositions relatives à l’autorité parentale, en associant et en informant les parents tout au long du séjour. Au-delà d’une obligation prévue en droit, il s’agit également d’un enjeu majeur dans la réussite de la mesure imposée au mineur, puis dans la préparation d’un projet de sortie et de retour dans l’environnement familial.
L’autorité parentale, définie par le code civil comme « un ensemble de droits et devoirs ayant pour finalité l’intérêt de l’enfant », est exercée par les parents de ce dernier jusqu’à ce qu’il devienne majeur ou soit émancipé, « pour le protéger dans sa sécurité, sa santé et sa moralité, pour assurer son éducation et permettre son développement, dans le respect dû à sa personne » (Code civil, art. 371-1).
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Les décisions qui concernent l’enfant, regardé juridiquement comme étant incapable de décider seul pour lui-même, relèvent de la compétence de ses parents ou de son tuteur. Elle est exercée conjointement par les deux parents de l’enfant , la séparation du couple est sans effet sur le partage de l’autorité parentale.
Afin que des décisions de la vie courante puissent être prises aisément, sans avoir à obtenir l’accord des deux parents, le code civil prévoit qu’« à l’égard des tiers de bonne foi, chacun des parents est réputé agir avec l’accord de l’autre, quand il fait seul un acte usuel de l’autorité parentale relativement à la personne de l’enfant. » Bien que la notion d’acte usuel ne soit pas définie par la loi, la jurisprudence a précisé que « les actes usuels peuvent être définis comme des actes de la vie quotidienne, sans gravité, qui n’engagent pas l’avenir de l’enfant, qui ne donnent pas lieu à une appréciation de principe essentielle et ne présentent aucun risque grave apparent pour l’enfant, ou encore, même s’ils revêtent un caractère important, des actes s’inscrivant dans une pratique antérieure non contestée ».
Un juge peut toutefois décider qu’un seul des deux parents exerce l’autorité parentale dans l’intérêt de l’enfant. Le second parent conserve alors le droit d’être informé « des choix importants relatifs à l’enfant », ainsi que le droit de visite, qui peut être conditionné à des règles particulières (lieu de visite spécifique, rencontre médiatisée, etc.). L’autorité judiciaire peut également décider de ne pas autoriser le second parent à visiter son enfant dans l’intérêt de l’enfant.
En outre, le juge aux affaires familiales peut confier l’enfant à un tiers, de préférence choisi dans sa parenté, auquel cas les parents continuent à exercer l’autorité parentale bien que la personne à qui l’enfant a été confié accomplisse tous les actes usuels relatifs à sa surveillance et son éducation 1 . Le magistrat peut également déléguer l’autorité parentale à un membre de la famille des parents, un proche de confiance ou un service de recueil des enfants (établissement agréé ou département d’aide sociale à l’enfance).
Les tiers qui ont la charge d’enfants ne peuvent ignorer les dispositions relatives à l’exercice de l’autorité parentale, qui valent pour les personnes tierces, personnes physiques à qui les mineurs sont confiés comme pour les services de prise en charge (aide sociale à l’enfance, protection judiciaire de la jeunesse, équipes médicales des établissements de santé, etc.). Le respect des droits des responsables légaux par les établissements suppose notamment que ces derniers vérifient quels sont effectivement les titulaires de l’autorité parentale.
Bien que l’autorité parentale soit exercée par les responsables légaux, « les parents associent l’enfant aux décisions qui le concernent, selon son âge et son degré de maturité ». Cela signifie que le mineur n’est pas un être sans droits : il est titulaire de droits qui sont légalement exercés par les parents, dans l’intérêt de l’enfant, en association avec celui-ci. Le mineur doit ainsi être informé des décisions qui le concernent et être consulté. Cette obligation à la charge des titulaires de l’autorité parentale s’applique également aux responsables de l’établissement qui accueille un mineur privé de liberté.
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II – La place des titulaires de l’autorité parentale durant l’admission de l’enfant en soins psychiatriques
L’autorité parentale ne trouve à s’exercer, en ce qui concerne l’autorisation de l’admission des enfants dans un lieu de privation de liberté, qu’en matière de soins psychiatriques : le juge pénal ou l’autorité administrative décident souverainement du placement d’un enfant dans un lieu de privation de liberté sans accord des parents. Cependant, les représentants légaux ont le droit d’être informés lorsque leur enfant est placé dans un tel lieu, quelle que soit l’autorité qui l’a décidé et le lieu de placement.
A – Le droit du mineur de participer à la décision d’admission en soins psychiatriques
Un mineur peut être hospitalisé en établissement de santé mentale selon différentes modalités : en soins libres lorsque les parents ont demandé l’admission, sur décision d’un juge des enfants ou dans le cadre d’une mesure décidée par lui, sur décision du représentant de l’État ou à la suite d’un jugement ayant déclaré l’irresponsabilité pénale de l’enfant (CPP, art. 706-135).
. Il n’existe pas pour les mineurs d’admission en soins psychiatriques à la demande d’un tiers ou en cas de péril imminent.
Cependant, dans ces différentes situations, l’opinion des mineurs doit être prise en compte (Convention internationale des droits de l’enfant, art. 12). et ils ont le droit « de participer à la prise de décision les concernant, d’une manière adaptée […] à leur degré de maturité » (CSP, art. L. 1111-2 5e al). Il est d’ailleurs prévu que « le consentement du mineur doit être systématiquement recherché s’il est apte à exprimer sa volonté et participer à la décision » (CSP, art. L. 1111-4 7e al) . En outre, la loi précise que « dans toute procédure le concernant, le mineur capable de discernement peut, sans préjudice des dispositions prévoyant son intervention ou son consentement, être entendu par le juge ou, lorsque son intérêt le commande, par la personne désignée par le juge à cet effet. Cette audition est de droit lorsque le mineur en fait la demande » (Code civil, art. 388-1), le critère du discernement remplaçant ici celui de la maturité. L’admission en soins psychiatriques ne doit pas être regardée comme une constatation de l’absence des capacités de discernement et d’expression de la part du mineur, ce qui priverait ce dernier du droit de participer aux décisions et aux procédures judiciaires le concernant.
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RECOMMANDATION 27
Un mineur a le droit de participer à la prise de décision d’admission en soins psychiatriques le concernant et son consentement à la mesure doit être effectivement recherché. Dans le cas où son état ne lui permet pas d’exprimer son consentement, cela doit être précisé dans la motivation de la décision d’admission.
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B – L’admission en soins psychiatriques à la demande des titulaires de l’autorité parentale
En ce qui concerne les soins psychiatriques, la loi prévoit qu’à l’exception des admissions sur décision du représentant de l’État, seuls les titulaires de l’autorité parentale ou le tuteur peuvent demander l’admission de l’enfant en soins psychiatriques ou la levée de la mesure. En cas de désaccord entre les deux parents, le juge aux affaires familiales statue (CSP, art. L. 3211-10).
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Cependant, l’admission peut également être demandée par l’autorité judiciaire ou, lorsque l’enfant a été placé par un juge statuant en matière d’assistance éducative ou en matière pénale, par le directeur de l’établissement ou le gardien, ainsi que par l’aide sociale à l’enfance lorsqu’un enfant lui a été confié (CSP, art. R. 1112-34 2e al). Dans son rapport relatif aux droits fondamentaux des mineurs en établissement de santé mentale, le CGLPL a recommandé que soit supprimée la possibilité offerte au directeur, au gardien ou à l’aide à l’enfance de demander au juge l’hospitalisation de l’enfant (CGLPL, Les droits fondamentaux des mineurs en établissement de santé mentale, Dalloz, 2017, page 57).
Peu d’établissements ont mis en place une demande spécifique d’admission formellement signée comme telle par les titulaires de l’autorité parentale. Le plus souvent, les parents signent un formulaire d’autorisation de soins qui prévoit la possibilité pour le personnel soignant de pratiquer tous les actes médicaux et soins requis par l’état de santé du patient. Un tel document ne saurait être lu comme une demande d’admission.
Dans de nombreux autres établissements visités, les parents ne remplissent cependant aucun formulaire présenté comme valant demande d’admission, mais signent un ensemble de documents relatifs aussi bien à des renseignements administratifs (état civil, affiliation à la sécurité sociale et, le cas échéant, à une mutuelle, etc.) qu’à des autorisations nécessaires durant l’hospitalisation (sorties, scolarisation, etc.). Les services concernés considèrent que cette démarche équivaut à une demande implicite d’hospitalisation. Le CGLPL a également pu observer que quelques établissements ne sollicitent pas une nouvelle demande d’admission lorsque l’enfant est de nouveau hospitalisé.
Par ailleurs, les documents d’admission sont fréquemment signés par un seul des deux parents, ou alors par les deux personnes qui s’occupent quotidiennement de l’enfant bien que l’une d’elles ne soit pas titulaire de l’autorité parentale (reconnaissance tardive de l’enfant, nouvelle union, etc.). Dans son rapport relatif aux droits des mineurs en établissement de santé mentale, le CGLPL a considéré que l’admission d’un mineur en soins psychiatriques ne relevait pas des actes usuels et par suite nécessitait l’accord des deux parents 1 .
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RECOMMANDATION 28
Dans l’intérêt de l’enfant, toute admission ou nouvelle admission à la demande des représentants légaux doit faire l’objet d’une demande spécifique, signée par les deux parents lorsque l’exercice de l’autorité parentale est conjoint. Lorsqu’un seul parent est titulaire de l’autorité parentale, l’autre parent doit être informé de la mesure sauf à avoir été privé de ce droit par un juge. À cette fin, les établissements doivent s’assurer de l’identité du ou des titulaires de l’autorité parentale.
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Lorsqu’un mineur est hospitalisé à la demande de ses représentants légaux, la mesure est considérée comme une hospitalisation en soins libres. Le mineur peut pourtant ne pas être consentant aux soins, soit qu’il n’a pas été consulté sur la mesure, soit qu’il s’y oppose. Il n’a pas de possibilité de demander la levée de la mesure, seuls les titulaires de l’autorité parentale le peuvent. S’agissant de soins considérés comme libres, le juge des libertés et de la détention n’est pas compétent : il n’examine pas à intervalle régulier la situation comme c’est le cas lors de soins sans consentement, à la demande du représentant de l’État par exemple, et il ne peut être saisi par le patient.
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RECOMMANDATION 29
Les mineurs hospitalisés à la demande de leurs représentants légaux devraient pouvoir saisir la commission départementale des soins psychiatriques, ainsi que le juge des libertés et de la détention lorsqu’ils contestent la nécessité de leur hospitalisation. Ils devraient être informés de ces possibilités par l’établissement dans les meilleurs délais, dès que leur état le permet.
S’il apparaît que les intérêts du mineur hospitalisé sur demande de ses représentants légaux sont en opposition avec ceux de ces derniers ou si les droits du mineur sont insuffisamment garantis par eux, le juge des libertés et de la détention devrait désigner un administrateur ad hoc au patient mineur.
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C – L’autorité parentale dans le cas d’une admission en soins psychiatriques non demandée par les représentants légaux
L’hospitalisation d’un mineur peut avoir lieu sur décision du représentant de l’État. Dans ce cas, le régime de droit commun de l’admission en soins psychiatriques sur décision du représentant de l’État (CSP, art. L. 3213-1 et suivants).
est applicable sans aménagement spécifique pour l’exercice de l’autorité parentale. Cependant, si les parents n’interviennent pas dans la décision de placement de leur enfant, ils conservent le droit d’être informés de la mesure. De plus, le recours à ce mode d’admission doit demeurer exceptionnel, les parents doivent être consultés autant que possible lors de l’admission d’un mineur en soins psychiatriques et leur consentement recherché.
Un mineur peut également être placé en soins psychiatriques dans le cadre d’une mesure d’assistance éducative (cf. supra chapitre 1, section 1, VI).
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En cas de placement provisoire, la mesure ne doit être prise 125 qu’après avoir entendu les représentants légaux, sauf urgence dûment motivée, auquel cas ces derniers sont entendus par le juge dans un délai de quinze jours à compter de la décision 1 . En outre, le juge des enfants doit toujours s’efforcer de recueillir l’adhésion de la famille à la mesure envisagée 2 .
En effet, l’article 375-7 du code civil précise que « les pères et mères bénéficiant d’une mesure d’assistance éducative continuent à exercer tous les attributs de l’autorité parentale qui ne sont pas inconciliables avec cette mesure ». Il dispose également que « sans préjudice […] des dispositions particulières autorisant un tiers à accomplir un acte non usuel sans l’accord des détenteurs de l’autorité parentale, le juge des enfants peut exceptionnellement […] autoriser le service ou l’établissement à qui est confié l’enfant à exercer un acte relevant de l’autorité parentale » 3 . Or, l’article R. 1112-34 du code de la santé publique prévoit la compétence du directeur de l’établissement pour demander une hospitalisation d’un mineur dont il a la garde, ce qui semble constituer un acte non usuel qu’un tiers peut accomplir sans l’accord des représentants légaux. Le directeur de l’établissement peut ainsi demander l’admission en soins psychiatriques sans rechercher l’accord des parents. Ces derniers conservent cependant le droit d’être informés de la mesure, ce qui prévu par les dispositions du code civil relatives à l’autorité parentale.
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RECOMMANDATION 30
Les représentants légaux des mineurs admis en soins psychiatriques sans consentement sur décision du représentant de l’État doivent être destinataires des convocations, informations et décisions relatives à leur enfant et mis à même de faire valoir ses droits. Lorsqu’un patient mineur placé sous ce régime est suivi dans le cadre d’une procédure d’assistance éducative, le juge des libertés et de la détention doit en être informé et son avis devrait être recueilli.
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III – Le droit des titulaires de l’autorité parentale à être informés et associés aux décisions concernant leur enfant tout au long de la mesure
A – Le droit des titulaires de l’autorité parentale d’être informés de la privation de liberté de leur enfant
Le droit des représentants légaux à être informés sans délai de tous les éléments relatifs à l’admission, au lieu de détention, au transfert et à la libération de leur enfant est également prévu par des normes internationales, notamment adoptées par les Nations unies (Règles des Nations Unies pour la protection des mineurs privés de liberté). Les dispositions du code civil relatives à l’autorité parentale prévoient également, outre la capacité de prendre les décisions dans l’intérêt de l’enfant, le droit des parents à être informés des décisions qui concernent ce dernier. Ainsi, toute mesure privative de liberté prise à l’encontre d’un mineur doit être communiquée aux titulaires de l’autorité parentale, qu’il s’agisse d’une décision médicale, pénale (Ordonnance du 2 février 1945 relative à l’enfance délinquante, art. 6-2 et CJPM, art. 12-5) ou administrative comme lors d’un placement en zone d’attente par exemple. Il revient à l’autorité qui prononce la mesure privative de liberté de mettre en œuvre les diligences nécessaires pour identifier, retrouver, puis informer les représentants légaux. Cette dernière ne peut invoquer le désinvestissement des parents dans le suivi de l’enfant pour justifier l’absence d’information des titulaires de l’autorité parentale aussi longtemps qu’un juge n’a pas privé ses derniers de leurs droits parentaux. Cependant, la situation au regard de l’autorité parentale est souvent mal connue des services et peu vérifiée, notamment en CEF et en établissement pénitentiaire. Par exemple, au CEF de Cambrai, les relations avec les représentants légaux se limitaient le plus souvent au parent qui se manifeste ou à celui chez qui le mineur réside et dont l’identité figure dans les documents judiciaires. L’ensemble de ces obligations a été repris par le CGLPL dans sa recommandation minimale n° 28 : « Les titulaires de l’autorité parentale et, s’il y a lieu le service de la PJJ mettant en œuvre le suivi en milieu ouvert d’un mineur doivent immédiatement être informés de sa prise en charge au sein d’un lieu d’enfermement. L’information qui leur est communiquée doit comprendre la nature et l’adresse du lieu où le mineur se trouve, les motifs en faits et en droit de son enfermement et l’autorité qui en a décidé, ainsi que les voies de recours susceptibles d’être exercées. »
B – L’obligation légale d’informer les titulaires de l’autorité parentale tout au long de la mesure et d’obtenir leur accord pour certaines décisions
Les titulaires de l’autorité parentale conservent le droit d’être informés des décisions qui concernent leur enfant tout au long de la mesure et demeurent compétents pour autoriser certains actes, y compris lorsqu’il est privé de liberté, bien qu’ils n’en exercent que les attributs conciliables avec le placement de l’enfant et sous réserve d’éventuelles restrictions décidées par un juge. Différents textes viennent rappeler les droits des représentants légaux dont l’enfant est privé de liberté, notamment en application d’une décision pénale. La circulaire du 10 mars 2016 relative aux centres éducatifs fermés (DPJJ, circulaire d’application du 10 mars 2016) souligne ainsi que les titulaires de l’autorité parentale continuent à en exercer tous les attributs dans le cadre et les limites définis par l’ordonnance de placement, et qu’ils sont à ce titre « informés du déroulement de la prise en charge du mineur tant dans ses aspects positifs que lors de difficultés, notamment en cas de survenue d’incidents ». La circulaire du 24 mai 2013 relative au régime de détention des mineurs rappelle quant à elle que « la famille joue un rôle de premier plan dans le processus de réintégration du mineur au sein de la collectivité. Le maintien des liens familiaux constitue dès lors un véritable enjeu de la détention, à la fois dans le déroulement de celle-ci et dans la préparation à la sortie. Ainsi, lorsque la situation du mineur le permet et sauf avis contraire du magistrat, le personnel pénitentiaire et le service de la protection judiciaire de la jeunesse doivent veiller à favoriser ces relations et impliquer la famille dans le déroulement de la détention. L’exercice de l’autorité parentale, définie à l’article 371-1 du code civil, n’est pas interrompu par l’incarcération du mineur. Le chef d’établissement et les services de la protection judiciaire de la jeunesse assurent l’information et recueillent les avis des titulaires de cette autorité ». Lors de l’admission, une fois informés du lieu où leur enfant est privé de liberté, les représentants légaux ont le droit de recevoir toutes les informations relatives à sa prise en charge. Dans certains lieux visités, l’information remise aux parents est insuffisante : les documents sont incomplets ou peu compréhensibles. A l’EPM de Marseille par exemple, les parents ne reçoivent qu’un livret d’accueil de deux pages. Dans de nombreux autres établissements, les parents du mineur pris en charge reçoivent de nombreux documents, notamment un livret d’accueil préparé par l’établissement à destination des familles, le règlement intérieur, une présentation des différentes personnes en charge de l’enfant, les informations sur l’envoi d’argent notamment, en même temps que les formulaires liés à l’autorité parentale (autorisation de soin, autorisation d’activités exceptionnelles). Certains établissements prévoient également une rencontre avec les parents, comme c’est le cas à la maison d’arrêt de Villepinte où les représentants légaux se voient proposer un rendez-vous avec l’administration dans les quinze jours qui suivent l’incarcération, entrevue complétée par une réunion collective des familles de tous les nouveaux arrivants qui se tient toutes les six semaines. Ces temps d’échange permettent aux parents de mieux comprendre la situation de leur enfant que ne leur permettent les supports écrits et de pouvoir poser des questions aux autorités qui le prennent en charge. De même, à la maison d’arrêt de Nanterre, à l’initiative des éducateurs de la protection judiciaire de la jeunesse, une réunion mensuelle réunit les familles des mineurs détenus, le directeur adjoint de l’établissement, l’officier en charge du quartier des mineurs, les enseignants et un représentant de l’unité sanitaire. Après un temps d’information sur le fonctionnement des groupes de mineurs en détention, les familles peuvent discuter de la situation de chacun des enfants avec les différents services présents. Le CGLPL rappelle sur ce point sa recommandation minimale n° 147 : « Les représentants légaux des mineurs ou des majeurs protégés doivent disposer d’une information leur permettant d’identifier leurs interlocuteurs au sein des lieux de privation de liberté et de connaître leurs coordonnées. Tout au long de la mesure, ils doivent être régulièrement informés des éléments de leur prise en charge. » Les établissements font signer aux titulaires de l’autorité parentale, dans le cadre de l’admission de leur enfant, différents documents donnant compétence à la direction pour accomplir des actes usuels et autoriser certaines décisions : autorisations de participer aux activités, droit d’assurer les soins réguliers, autorisation de photographier et filmer l’enfant, le cas échéant autorisation de fumer dans le respect des dispositions du règlement intérieur, etc.
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Le CGLPL voit régulièrement des formulaires d’autorisation de portée très générale, sans précision, par exemple en autorisant à la participation d’activité sportive exceptionnelle sans détailler les activités dont il s’agit.
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RECOMMANDATION 31
Les formulaires d’autorisation parentale signés par les représentants légaux lors de l’admission de l’enfant doivent comporter la date de la signature et détailler le champ d’application de l’autorisation lorsqu’elles concernent des actes non prévus le cas échéant par l’ordonnance de placement.
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Lorsqu’un enfant est placé dans un lieu de privation de liberté, l’établissement est compétent pour les actes usuels, mais il doit informer les titulaires de l’autorité parentale des mesures prises dans ce cadre. En ce qui concerne les actes non usuels, l’établissement doit obtenir l’accord préalable des représentants légaux. En cas d’incarcération de leur enfant 1 , les titulaires de l’autorité parentale doivent être informés de la mesure et des modalités d’accueil, des dispositions du règlement intérieur, de toute modification du régime de détention, du projet de sortie, du déroulement de la scolarité, des activités auxquelles il participe, des personnes extérieures à l’établissement avec lesquelles il est autorisé à entrer en contact (permis de visite, correspondance, téléphonie, intervenants extérieurs), du passage en commission de discipline, de l’identité de l’avocat choisi par le mineur, de la sanction prononcée le cas échéant, et des données relatives au compte nominatif. Par ailleurs, les responsables légaux d’un mineur incarcéré doivent donner leur accord dans le choix de l’orientation scolaire du mineur, pour les activités à caractère exceptionnel, pour la vente ou la reproduction d’œuvres de leur enfant, pour le choix de la pratique religieuse et la participation au culte, ou encore pour les mesures de réparation à la charge du mineur. Par ailleurs, les informations transmises aux responsables légaux doivent permettre à ces derniers d’adresser des demandes à la direction et, le cas échéant, de formuler des recours dans l’intérêt de leur enfant et dans le cadre prévu par les dispositions relatives à l’autorité parentale, notamment en ce qui concerne le droit du mineur à être associé aux procédures qui le concernent. Ainsi que le prévoit la recommandation minimale n° 172 du CGLPL, « des garanties doivent être mises en place afin d’assurer aux personnes privées de liberté la possibilité d’introduire des recours et de formuler des doléances en toute sécurité et, lorsqu’elles le souhaitent, de manière confidentielle. Lorsque la personne concernée est mineure ou relève du régime de protection des majeurs, il doit être possible à ses représentants légaux d’introduire des recours ou de formuler des doléances en son nom dans les mêmes conditions de sécurité et de confidentialité. »
C – L’association des parents à l’exécution de la mesure comme clé de la réussite de cette dernière
À l’issue de la mesure de privation de liberté, une majorité des mineurs retournent dans leur famille. Le placement ne doit donc pas constituer une rupture avec l’environnement familial, mais au contraire assurer le maintien des liens familiaux et permettre aux parents de s’impliquer dans l’intérêt de l’enfant. Au-delà de l’information des familles prévue par les dispositions relatives à l’autorité parentale, il s’agit aussi d’impliquer les proches et de les accompagner dans la prise en charge du mineur. Les règles applicables aux CEF consacrent une place centrale à la famille, « les parents, ou les détenteurs de l’autorité parentale sont chargés, comme la loi l’indique, de l’entretien, de l’éducation et de la protection de leurs enfants. C’est pourquoi toute action d’éducation doit se faire avec eux et doit les impliquer depuis l’élaboration du projet individuel jusqu’à sa mise en œuvre et son évaluation régulière qui mène à la formulation de propositions destinées aux juridictions : en s’appuyant sur leurs ressources propres, leurs capacités, et en leur rappelant leurs droits et leurs devoirs ». Ainsi, par exemple, au CEF de la Chapelle-Saint-Mesmin, les familles sont associées à l’élaboration du projet individuel de leur enfant avec l’équipe éducative. Ces temps d’échange permettent de construire un projet adapté à l’environnement familial et donc plus à même de réussir une fois le mineur de retour dans sa famille, mais également d’assurer une forme de prise en charge des proches eux-mêmes qui peuvent avoir besoin d’un accompagnement. Dans certains établissements, des agents s’occupent spécifiquement d’assurer le maintien des relations familiales. Au CEF d’Allonnes, une psychologue est ainsi identifiée comme la « référente famille », avec pour tâche notamment d’assurer un échange entre le jeune et ses parents, particulièrement en cas de situations conflictuelles. Un tel poste permet également de renouer le dialogue entre les autorités et les représentants légaux, parfois opposés aux échanges avec les institutions.
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Le CGLPL regrette cependant que dans certains établissements les familles ne soient pas associées à la mesure dont leur enfant fait l’objet. Au CEF de la Jubaudière, le maintien des liens familiaux et les dispositions liées à l’autorité parentales sont par exemple absents des documents de référence (livret d’accueil, règlement intérieur, etc.). La famille est en outre trop peu impliquée dans le déroulement de la mesure pour qu’elle puisse prendre conscience des enjeux d’un tel placement, notamment en alternative à une incarcération. Les relations avec les éducateurs en charge de leur enfant ne sont pas institutionnalisées, la localisation excentrée de l’établissement ne facilite pas les visites des parents, les groupes de paroles en présence des familles précédemment mis en place par le psychologue ont été interrompus. De même, au CEF de Tonnoy, les documents adressés aux parents ne mentionnent pas le rôle attendu des représentants légaux durant le séjour ni les bilans réalisés à échéances régulières. Ils ne sont pas invités à une réunion en présence de l’équipe éducative à l’issue de la synthèse effectuée le premier mois, mais seulement contactés par téléphone. Par ailleurs, les situations familiales parfois difficiles dans lesquelles évoluent les mineurs (parents peu présents, séparation des parents, etc.) font que les services ne connaissent ni les titulaires de l’autorité parentale, ni les personnes qui accompagnent l’enfant au quotidien. L’association des parents tout au long du séjour dans l’établissement doit aussi permettre de préparer la sortie de l’enfant. Cela nécessite des rencontres entre les équipes qui suivent l’enfant durant le placement et les différents acteurs qui participeront à sa prise en charge ensuite (médecins de ville ou en hôpital de jour, éducateur du milieu ouvert, parents et proches qui hébergeront l’enfant). A l’EPM de Quiévrechain, lorsque le jeune qui s’apprête à sortir ne fait pas l’objet d’un suivi en milieu ouvert assuré par les services de la PJJ, les éducateurs de l’EPM se rendent au domicile des parents afin de préparer avec eux le projet de sortie.
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IV – Autorité parentale et soins
Les représentants légaux conservent les prérogatives de l’autorité parentale lorsque leur enfant est placé dans un lieu de privation de liberté, notamment lorsqu’il s’agit de prodiguer des soins au mineur. Ainsi, l’établissement doit en principe obtenir l’accord préalable des parents.
A – L’autorité parentale et la dispensation de soins
L’admission dans un établissement de santé peut être demandée, comme indiqué précédemment, par les titulaires de l’autorité parentale, par le directeur de l’établissement d’éducation ou le gardien lorsque l’enfant relève des services de la protection judiciaire de la jeunesse, ou par le juge des enfants ou le procureur de la République en cas d’ordonnance visant à protéger le mineur. Une fois le patient admis, l’autorisation de certains soins nécessite l’accord des représentants légaux, indépendamment du mode d’admission du mineur. À l’admission, les mesures préconisées par le CGLPL dans sa recommandation minimale n° 126 doivent être appliquées : « Les personnes privées de liberté admises dans un établissement de santé doivent disposer des moyens d’en prévenir leurs proches. Si la personne concernée est inconsciente, l’administration doit prévenir la personne de confiance ou la personne à prévenir en cas d’urgence dans les plus brefs délais. Les représentants légaux d’un mineur ou d’un adulte sous tutelle doivent être informés de leur hospitalisation dans les conditions et sous réserve des exceptions prévues par le droit commun. » Un médecin qui soigne un mineur « doit s’efforcer de prévenir ses parents ou son représentant légal et d’obtenir leur consentement » (CSP, art. R. 4127-42) sauf lorsque le patient demande que les titulaires de l’autorité parentale ne soient pas informés. Le médecin doit en outre tenir compte dans la mesure du possible de l’avis du patient mineur lorsque celui-ci est en état de l’exprimer. Ces mesures sont reprises par la CGLPL dans sa recommandation minimale n° 114 : « Les titulaires de l’autorité parentale doivent conserver l’ensemble des droits et devoirs liés à son exercice lorsque des soins sont à prodiguer à un mineur privé de liberté. Le consentement aux soins des titulaires de l’autorité parentale doit être recueilli dès l’arrivée et renouvelé en cas de procédure médicale non usuelle. Sauf exceptions légales, ils doivent être immédiatement informés de l’hospitalisation d’un mineur. Si les titulaires de l’autorité parentale assortissent leur consentement de restrictions susceptibles d’être contraires à l’intérêt supérieur de l’enfant, l’autorité mandante doit en être immédiatement informée, y compris en l’absence d’urgence. » Les parents ont également le droit d’être informés sans délai lorsque l’état de santé de leur enfant est jugé incompatible avec l’exécution de la mesure de privation de liberté et des recours dont ils disposent dans une telle situation. Bien qu’elles concernent toutes les personnes privées de liberté, la recommandation minimale n° 119 du CGLPL relative à la compatibilité de l’enfermement avec la santé des personnes enfermées s’impose particulièrement pour les mineurs : « Lorsque le personnel soignant estime que l’état de santé physique ou psychique d’une personne privée de liberté est incompatible avec les conditions de sa prise en charge, il doit en informer immédiatement les autorités compétentes et, si la personne concernée est mineure, l’autorité mandante et les titulaires de l’autorité parentale. En cas de risque d’atteinte à l’intégrité physique ou psychique d’une personne enfermée, tous les moyens nécessaires pour éviter sa réalisation doivent être mis en œuvre. La personne concernée et le cas échéant ses représentants légaux doivent être informés des procédures auxquelles elles peuvent avoir recours à cette fin. Dans le cas spécifique d’un placement en rétention, l’incompatibilité de l’état de santé physique ou psychique d’une personne retenue avec les conditions de son enfermement doit entraîner la levée immédiate de la mesure de rétention administrative. »
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Dans la logique de cette recommandation, il va de soi que lorsque l’état de santé d’un mineur placé en CRA ou en zone d’attente avec sa famille est incompatible avec la mesure, cela doit entraîner la levée de la mesure pour l’ensemble de la famille.
B – L’autorité parentale dans le cadre des soins urgents ou nécessaires
En cas d’urgence, un médecin n’est pas tenu d’attendre l’accord des représentants légaux pour prodiguer les soins nécessaires 1 . Par ailleurs, un médecin peut contourner l’opposition des responsables légaux à ce que leur enfant reçoive des soins si ce refus met la santé du mineur en danger. La loi prévoit en effet que « dans le cas où le refus d’un traitement par la personne titulaire de l’autorité parentale ou par le tuteur risque d’entraîner des conséquences graves pour la santé du mineur ou du majeur sous tutelle, le médecin délivre les soins indispensables » 2 . En outre, confronté à un refus des titulaires de l’autorité parentale, le médecin peut saisir l’autorité judiciaire pour que l’enfant bénéficie des soins que son état nécessite dans le cadre d’une mesure d’assistance éducative ordonnée par le juge des enfants 3 .
C – L’autorité parentale et l’opposition du mineur à l’information des parents
Un mineur, y compris lorsqu’il est privé de liberté, peut s’opposer à ce que ses représentants légaux soient informés des soins dont il bénéficie. Dans un tel cas d’exception de confidentialité, le personnel soignant, qu’il soit médecin ou infirmier, peut se dispenser d’obtenir le consentement préalable des titulaires de l’autorité parentale. Cependant, il s’agit là d’une faculté dont bénéficie le praticien, qui n’est pas obligé de faire droit à la demande du patient. La seule obligation imposée au personnel soignant lorsqu’un patient mineur refuse que ses parents soient informés qu’il fait l’objet de soins est l’interdiction de communiquer des informations médicales aux titulaires de l’autorité parentale. En outre, il revient au médecin de s’efforcer d’obtenir le consentement du mineur à ce que les représentants légaux soient informés ; le soignant ne peut effectuer l’acte concerné que si le patient maintient son refus et s’il est accompagné d’une personne majeure qu’il a choisie. Ainsi, le médecin a le droit de contacter les représentants légaux pour obtenir leur accord avant de pratiquer un acte médical, mais il ne peut pas leur transmettre les informations médicales liées à cet acte si le patient mineur s’y oppose. Par ailleurs, certaines spécialités qui font l’objet de dispositions spécifiques garantissent le droit du patient mineur à ne pas voir les titulaires de l’autorité parentale informés des soins dont il bénéficie. Par exemple, en matière de dépendance aux produits stupéfiants, l’accompagnement par un centre d’accueil et d’accompagnement à la réduction des risques pour usager de drogues est anonyme 2 . Cependant, ces dispositions sont difficilement applicables à des mineurs privés de liberté qui ne peuvent se rendre seuls dans un tel centre. La consultation d’un spécialiste au sein de l’établissement devrait toutefois pouvoir faire l’objet du même anonymat si le mineur en fait la demande. En matière de contraception, la loi prévoit que « le consentement des titulaires de l’autorité parentale ou, le cas échéant, du représentant légal n’est pas requis pour la prescription, la délivrance ou l’administration de contraceptifs aux personnes mineures. La délivrance de contraceptifs, la réalisation d’examens de biologie médicale en vue d’une prescription contraceptive, la prescription de ces examens ou d’un contraceptif, ainsi que leur prise en charge, sont protégées par le secret pour les personnes mineures » 1 . Les établissements ne doivent pas informer les parents du suivi contraceptif dont bénéficie leur enfant, sauf accord expresse de cette dernière. De même, en matière d’interruption volontaire de grossesse, une patiente mineure a le droit de refuser que ses représentants légaux soient informés et peut se faire accompagner par une personne majeure de son choix. Un mineur a également le droit de reconnaître seul l’enfant dont il est le parent, sans que soit nécessaire l’accord de ses représentants légaux. C’est alors le mineur qui exerce l’autorité parentale, bien que lui-même soit placé sous l’autorité parentale de ses parents.
Section 2
Des obstacles au maintien des liens familiaux
Les mineurs, comme toute personne privée de liberté, bénéficient du droit au maintien de leurs liens familiaux. L’importance du maintien des relations entre un mineur privé de liberté et ses proches est soulignée par diverses normes internationales, dont la Convention internationale des droits de l’enfant, les règles des Nations unies pour la protection des mineurs privés de liberté, les lignes directrices du Comité des ministres du Conseil de l’Europe sur une justice adaptée aux enfants.
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RECOMMANDATION 32
Les restrictions portées au droit au maintien des liens familiaux des mineurs privés de liberté ne peuvent émaner que d’une décision médicale individualisée et limitée aux nécessités thérapeutiques ou d’une décision judiciaire, et doivent être expliquées au mineur concerné et à ses représentants légaux. Aucune interdiction générale de communiquer avec l’extérieur ne peut être émise, ni prise à titre de sanction. Les atteintes à ce droit doivent être nécessaires, adaptées et proportionnées.
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I – Les visites des proches
A – Les conditions des visites
Les visites des proches d’un mineur privé de liberté lui permettent de maintenir un lien avec sa famille, important pour préparer le retour dans l’environnement familial et entretenir les liens affectifs, tout autant que pour rompre la solitude et l’isolement qui peut exister dans certains établissements. Dans les établissements de santé, il est prévu 1 un régime de visites souple qui permet aux membres de la famille proches et aux amis de visiter l’enfant sans restriction d’âge pour les visiteurs, sous réserve qu’elles ne contrarient pas l’action médicale. La plupart des unités visitées par le CGLPL prévoient cependant la suspension des visites dans les premiers jours qui suivent l’admission, délai au cours duquel les soignants doivent pouvoir observer l’enfant et se renseigner sur les relations entre ce dernier et ses parents (indifférence, manque, soulagement, etc.).
Pour lire l’intégralité du rapport : CGLPL_Rapport-Droits-fondamentaux-des-mineurs-enfermés_web (1)