Comment un simple malentendu avec un médecin généraliste m’a amené à être interné en psychiatrie ? Témoignage
Je suis ingénieur en mécanique des fluides, ancien pilote militaire de carrière, instructeur en vol, maître assistant de conférence aux Arts et Métiers et pilote de ligne.
Ma vie a basculé sur un simple malentendu avec un médecin généraliste qui a mal compris mes propos, a pris peur et m’a « dénoncé » comme personne potentiellement dangereuse.
Voici ce qu’il s’est passé.
Je consulte un médecin généraliste pour des problèmes d’allergie.
Je lui présente différentes radios au sujet d’une blessure aux cervicales qui me vaut un arrêt de travail et j’obtiens de sa part une extension de mon arrêt de travail.
Je lui parle des conditions de maltraitances administratives et professionnelles dans ma compagnie aérienne. Cela fait 15 ans que j’attends une promotion interne.
En quittant le cabinet, j’entame une discussion brève avec le médecin concernant un article lu dans sa salle d’attente dans le magazine Air et Cosmos et souligne le parallèle entre la situation du pilote cité et ma position, sans plus…
Le soir, la police m’appelle pour me dire qu’il y a effraction chez moi en région parisienne (je suis alors chez ma sœur dans le sud). Je leur indique, après vérification auprès de mes voisins, que tout est calme chez moi et questionne les personnes sur leur identité. Je porte plainte par internet le soir-même sous forme de pré-plainte pour ces faits.
Le lendemain, gendarmes et pompiers m’attendent à un arrêt de bus et m’emmènent à l’hôpital psychiatrique de Montperrin à Aix en Provence, sous escorte. Je ne fais aucune résistance et me sens plutôt serein n’ayant rien à me reprocher.
Et là, va commencer une expérience de plusieurs jours en hôpital psychiatrique.
Ma vie a été détruite, mon parcours professionnel à jamais terni.
Deux jours après ma visite chez ce médecin généraliste, je me retrouve donc emmené de force en hôpital psychiatrique où il m’est demandé instantanément de me déshabiller, ne connaissant toujours pas le contexte des accusations et les raisons de ma présence en psychiatrie.
On me demande de me mettre tout nu, je m’exécute sans appel, devant l’assistance. On me prive de mes affaires les plus précieuses. Malgré mes recommandations de prise de précaution : montre, ordinateurs, lunettes, affaires de vol seront malmenées par un personnel pressé d’en finir.
Le peu de remarques faites de ma part seront prises comme agressives. Je l’avais deviné, je sentais le groupe prêt à se jeter sur l’occasion de prendre mes revendications comme un acte de violence. J’avais bien compris que j’étais maintenant chez les fous et que toute parole pour qu’elle puisse avoir une petite valeur devait être mûrement réfléchie.
Je resterai nu, trois jours et trois nuits dans une chambre (cellule que je vais décrire) d’un froid piquant, sans aucun confort et dans un isolement total.
Pourquoi nu ? Ils m’ont refusé tout vêtement. Comme je n’avais rien à mettre sur mon lit en carrelage pour soutenir mon cou qui était l’objet de toute mes souffrances depuis des mois, j’ai utilisé au mieux ce pyjama anti-suicide en guise d’appui-tête.
La cellule était immonde, sale, des carreaux cassés au sol, n’importe quel suicidaire aurait pu prendre un éclat pour se trancher les veines ou s’en servir d’armes contre les soi-disant soignants.
Mon combat commença là et aujourd’hui encore je lutte pour que ces endroits qu’ils appellent un centre de soins, ferment.
La chambre devait mesurer environ 2.90 m sur 3 mètres. Un lavabo sans contour fait de masse dans du béton sur lequel d’horrible carreaux bleus recouvraient le fond. La cuvette qui me servait à me soulager, était recouverte des mêmes carreaux.
Un lit lui aussi constitué en béton moulé, faisait corps avec la pièce comme le lavabo et les toilettes, au sol et au mur de la pièce.
Sur le lit une mince couche d’un matelas extrêmement lourd et compact m’isolait du contact froid des carreaux bleus.
La porte de ma cellule était de celle qui ne s’ouvre que de l’extérieur avec une sorte d’écoutille de coffre-fort.
Une fenêtre à verre dépoli. Une araignée en guise de compagne. J’avais un bouton rouge pour appeler l’assistance médicale… Je crois que la lumière était cassée et le haut-parleur endommagé à moins que l’ensemble du personnel soit sourd et malvoyant. J’essayais d’imaginer combien de désespérés avaient bien pu croire que ce bouton allait leur permettre l’aide ou le soutien d’un personnel attentionné.
Les premières 36 heures se sont faites sans mes lunettes. J’ai pu enfin réclamer mon livre de chevet du moment (Camus). Ce n’est que bien plus tard que j’obtins mes lunettes pour lire sans peine les quelques lignes qui me reliaient encore à une certaine humanité.
Je passais donc trois jours et trois nuits nu comme un ver, nu à l’exception d’un petit filet opératoire que l’on m’avait négligemment apporté pour conserver le peu de dignité humaine qu’il me restait, dans cet enfer appelé hôpital psychiatrique, pour tenir mes organes génitaux, non pendants.
Ensuite ce fut le défilé du personnel pour venir voir la bête s’exhiber : le pilote militaire, le pilote de ligne en compagnie, qui selon le médecin généraliste vu quelques jours auparavant, « voulait faire écraser son appareil avec ses passagers ». Ce charmant médecin avait décidemment une imagination sans borne et bien peu de morale pour m’attribuer ces funestes intentions. C’est bien une ignominie de les avoir écrits pour confirmer son narratif odieux.
Le personnel se délectait de ma présence devant mon plateau de repas servi à heures régulières matin, midi et soir, le tout dans un prix exorbitant de plus de 1400 euros la journée d’hospitalisation.
On est mieux servi dans n’importe quel hôtel du monde pour ces prix-là.
J’apprenais par ma compagne la cause et l’origine de mon enfermement, que cela pouvait impliquer des mois d’hospitalisation et que cela pouvait être sans fin.
Après trois jours d’un supplice inutile, sans avoir jamais pu contacter le médecin responsable et coupable de cet enfermement, on m’affecte au pavillon des « malades » où j’y resterais encore 7 jours inutilement, aucune pathologie ni signe psychotique n’auront été détectés.
Je n’essaie là que de décrire les trois jours les plus inhumains vécus de toute ma vie.
- Isolé
- Nu
- Sans savoir pourquoi, par qui, pour combien de temps
- Sans communication possible, sans intimité, sans livre, sans papier, sans crayon, aucune musique, pas d’information, pas de téléphone, avec des personnes qui taisent leurs observations et écrivent quelque chose en supposant qu’ils effectuent un travail d’investigation important. C’est pathétique. Mais je me plie à cette humiliation permanente et essaie juste d’attendre l’opportunité de faire valoir mes droits.
Il aura donc fallu tout un dispositif, avec plus de 7 psychiatres, 3 jours d’enfermement, 7 jours d’observation passés au milieu de vrais damnés de la Terre qui voyaient des extra-terrestres, ou s’étaient fait violés par leur père, frère et oncles, ou avaient des problèmes neurologiques importants.
Je termine mes trois jours d’isolement et mes 7 jours d’observation, dans un état normal. Ce récit me retourne dans ma mésaventure, il est douloureux, mais j’affronte la triste réalité, je constate que le mauvais médecin consulte toujours et que moi je n’exerce plus le travail de mes rêves, pour lequel j’ai tant souffert pour obtenir mes licences, mes qualifications, mon ancienneté, ma position dans cette société.
Je savais que mes 33 ans de carrière, mes centaines de tests au sol et en vol, mes 10 000 heures de vol, la possibilité dans les prochains mois d’être promu commandant de bord, venaient d’être anéantis.
Ma vie a été détruite, mon parcours professionnel à jamais terni.
Mon honneur n’est même pas pris en compte, la justice n’existe définitivement pas.
On me fera signer un document en sortant, où vous écrivez à quel point vous êtes heureux de quitter cet enfer sur Terre et vous n’avez pas le cœur à dénoncer les mauvais traitements.
J’ai vécu les jours les plus inhumains de toute ma vie et je lutte aujourd’hui pour que ces endroits ferment.
Auguste MARTIN