La CEDH condamne l’Italie pour violation des droits humains en psychiatrie : une jurisprudence clé pour la France
La Cour européenne des droits de l’Homme (CEDH) a récemment rendu un arrêt majeur (no. 8436/21) contre l’Italie en matière de contention en milieu psychiatrique, rappelant avec fermeté les principes fondamentaux du droit à la dignité et à l’intégrité des personnes hospitalisées sous contrainte.
Une condamnation sévère pour des pratiques dégradantes
Dans cette affaire, la victime, M. Lavorgna, avait été attachée aux poignets et aux chevilles pendant près de huit jours dans un service psychiatrique italien. Bien que la Cour ait reconnu que l’usage initial de la contention pouvait être justifié par un risque imminent, elle a souligné que cette mesure doit être encadrée par des contrôles médicaux réguliers et qu’elle ne peut être appliquée que pour des périodes courtes et strictement nécessaires.
Or, selon l’arrêt, les autorités italiennes n’ont pas démontré la nécessité d’une contention aussi prolongée ni justifié la proportionnalité de la mesure. La Cour a également relevé de graves manquements dans le contrôle de cette mesure et dans l’enquête subséquente, jugée inefficace et insuffisante. En conséquence, l’Italie a été condamnée pour violation de l’article 3 de la Convention européenne des droits de l’Homme, interdisant les traitements inhumains ou dégradants.
Une décision qui souligne l’urgence d’un contrôle strict des mesures de contention
Cet arrêt revêt une importance capitale, non seulement pour l’Italie mais aussi pour la France, où les pratiques de contention et d’isolement en psychiatrie restent largement utilisées et souvent dénoncées comme abusives. La CEDH insiste sur plusieurs principes fondamentaux que la France doit impérativement respecter :
- La nécessité absolue de la contention : elle ne doit être appliquée qu’en dernier recours, et non comme une mesure de précaution.
- Un contrôle médical renforcé : toute contention prolongée doit être régulièrement réexaminée par un médecin.
- Une justification rigoureuse : les décisions d’application et de maintien des mesures de contention doivent être dûment consignées et motivées dans les actes médicaux.
- Une enquête judiciaire effective : les allégations de traitements inhumains ou dégradants doivent donner lieu à des enquêtes rapides, approfondies et impartiales.
Vers une nécessaire judiciarisation des abus psychiatriques en France
Cette condamnation de l’Italie montre la nécessité pour les victimes de traitements abusifs en psychiatrie de porter plainte devant la justice nationale et, si besoin, devant la CEDH. Actuellement, la jurisprudence française se refuse à contrôler en détail les motifs médicaux justifiant une contention, en contradiction flagrante avec les standards européens.
L’arrêt de la CEDH confirme la nécessité de poursuivre le dépôt de plaintes pénales contre les abus psychiatriques, notamment en matière de contention prolongée et d’hospitalisation forcée en soins libres. Il souligne aussi l’urgence pour la France d’adopter des normes plus strictes afin de prévenir les dérives et de garantir un véritable respect des droits fondamentaux des patients psychiatriques.
L’Association CCDH-France, en tant que vigie des droits humains en psychiatrie, appelle à une réforme immédiate du cadre juridique encadrant la contention et l’isolement, et encourage les victimes à faire valoir leurs droits devant les instances nationales et européennes.
Sources :
- Arrêt de la CEDH sur l’affaire Lavorgna contre l’Italie
- Publication de cet arrêt sur le site du Défenseur des droits : https://juridique.defenseurdesdroits.fr/index.php?lvl=notice_display&id=52524&opac_view=-1