Psychiatrie, les dangers d’un réflexe sécuritaire
L’évasion du « cannibale » de l’hôpital psychiatrique Gérard Marchand de Toulouse, suivie par d’autres évasions similaires largement médiatisées, soulève bien des questions.
Que faire de dangereux criminels psychopathes tels que ceux dont il est question ici ?
Enfermer, isoler et attacher des patients sont des mesures sécuritaires qui n’ont pas de vocation thérapeutique. Elles peuvent apparemment et momentanément « calmer » un patient mais ne font souvent que renforcer sa frustration, son désespoir et parfois son désir de vengeance.
Un hôpital, psychiatrique ou pas, ne peut pas être et ne devrait pas être une prison. Il n’apportera jamais les mêmes conditions de sécurité, ce n’est pas sa fonction. Un hôpital est censé soigner et guérir. Et ceci amène une autre question, celle des « soins », question qui soulève elle-même beaucoup d’autres interrogations.
En dehors des mesures coercitives (isolement, contention) qui sont imposées quotidiennement à des milliers d’entre eux, quels sont les « soins » généralement prodigués aux patients hospitalisés sous contrainte ? Et quels sont les « soins » prodigués aux quelques personnes, parmi ces milliers de patients, qui sont réellement dangereuses ? Ces patients qui se sont évadés étaient-ils sous l’effet de drogues puissantes telles que celles qui sont largement prescrites dans nos hôpitaux psychiatriques ?
Les témoignages de patients à propos de « cocktails » médicamenteux qui leur ont été administrés, très souvent de force ou sous la menace, sont éloquents ! Malgré une liste impressionnante d’effets secondaires indésirables de ces produits (pulsions violentes suicidaires ou criminelles notamment), ceux-ci continuent d’être imposés sur le long terme et à forte dose. Un comble quand on sait que ces patients, déjà condamnés par la justice, étaient connus pour être dangereux et sous l’effet de leurs pulsions criminelles ! Certains remèdes ne seraient-ils pas pires que le mal ?
Il nous reste à espérer que les enquêtes, qu’elles soient le fait de la police ou de l’ARS (Agence Régionale de Santé), permettront de faire toute la lumière non seulement sur les conditions qui ont rendu possible ces évasions, mais aussi sur l’efficacité réelle des « soins » prodigués à ces patients au moment des faits.
Il ne faut pas que la surmédiatisation de quelques faits divers, aussi tragiques soient-ils, entraine à nouveau une réaction sécuritaire en chaîne, excessive et primaire, qui éloignerait encore un peu plus la psychiatrie de ce qu’elle aurait toujours dû être : une discipline humaine au service de l’humain.
Malgré quelques améliorations récentes de la loi encadrant l’isolement et la contention, malgré une prise de conscience (encore très partielle et timide) des pouvoirs publics, le chemin qui reste à parcourir pour un véritable respect des droits de l’homme en psychiatrie est encore long et semé d’embûches. Les membres de la CCDH continueront à faire tout ce qui est en leur pouvoir pour contribuer à cette nécessaire évolution.