Santé mentale et droits de l’homme – Rapport du Haut-Commissaire des Nations Unies aux droits de l’homme
Résumé
Conformément à la résolution 36/13 du Conseil des droits de l’homme, une consultation consacrée aux droits de l’homme et à la santé mentale s’est tenue les 14 et 15 mai 2018 à Genève. Les participants ont examiné la question de la santé mentale sous l’angle des droits de l’homme et sont convenus que la situation pouvait être améliorée grâce à des stratégies à l’échelle du système et à des services fondés sur les droits de l’homme pour lutter contre la discrimination, la stigmatisation, la violence, les mesures coercitives et la maltraitance. Le présent rapport propose un résumé des débats ainsi que les conclusions et les recommandations formulées à l’issue de la consultation.
Conseil des droits de l’homme
Trente-neuvième session
10-28 septembre 2018
Points 2 et 3 de l’ordre du jour
Rapport annuel du Haut-Commissaire des Nations Unies aux droits de l’homme et rapports du Haut-Commissariat et du Secrétaire général
Promotion et protection de tous les droits de l’homme, civils, politiques, économiques, sociaux et culturels, y compris le droit au développement
Voici quelques extraits du rapport :
Concernant la pratique de l’électrochoc (électroconvulsivothérapie) :
« M. Al Hussein a déploré le recours au placement en institution, considérant qu’il s’agissait d’une réponse inadéquate à tous les niveaux pour les enfants et les adultes présentant un handicap, et il a préconisé l’élimination des pratiques telles que le traitement forcé, notamment la médication forcée, l’électroconvulsivothérapie forcée, le placement forcé en institution et la ségrégation. »
« La Rapporteuse spéciale sur les droits des personnes handicapées, Catalina Devandas Aguilar, a reconnu que les mesures coercitives et l’exclusion étaient devenues la norme dans la majorité des systèmes de santé mentale, en particulier dans les pays développés, et que les interventions sans consentement telles que l’électroconvulsivothérapie, la psychochirurgie, la stérilisation forcée et d’autres traitements invasifs, douloureux et irréversibles, continuaient d’être autorisés, en violation de la Convention relative aux droits des personnes handicapées. »
« Le Rapporteur spécial sur la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, Nils Melzer, s’est joint aux autres rapporteurs spéciaux pour condamner le placement forcé et illégal en institution et toute détention motivée par le handicap, et a noté que de telles pratiques pouvaient être assimilées à de la torture et à de mauvais traitements. Il a attiré l’attention sur le fait que les personnes présentant un handicap psychosocial étaient souvent privées de leur capacité juridique, ce qui les faisait passer complètement hors champ sur le plan juridique, y compris dans les procédures judiciaires, et pouvait conduire à un placement « volontaire » en institution avec le consentement d’un tiers, à une médication forcée à des fins de contention ou à des fins punitives, et à d’autres traitements intrusifs tels que la stérilisation forcée, l’avortement, la contraception ou l’électroconvulsivothérapie, qui pouvaient aussi être assimilés à des actes de torture et des mauvais traitements. »
« Kriti Sharma a donné de plus amples informations sur les enquêtes menées par Human Rights Watch autour des atteintes aux droits des personnes présentant un handicap psychosocial dans plus de 25 pays. L’organisation avait pu constater que ces personnes subissaient la stigmatisation et la discrimination au quotidien et que, bien souvent, elles ne pouvaient exercer leurs droits fondamentaux. Elle a demandé que les lois et les politiques normalisant le recours à des mesures coercitives soient invalidées, y compris les traitements sans consentement, l’électrothérapie et la contention. »
Concernant les pratiques de contention en psychiatrie :
« Les États devraient veiller à ce que tous les soins et services de santé, y compris les soins et les services de santé mentale, reposent sur le consentement libre et éclairé de l’intéressé. Ils devraient également faire en sorte que les dispositions juridiques et les politiques autorisant le recours à la coercition et aux interventions forcées soient invalidées, y compris l’hospitalisation et l’institutionnalisation sans consentement, la contention, la psychochirurgie, la médication forcée et les autres mesures non consenties visant à corriger une déficience réelle ou supposée, y compris les mesures prévoyant le consentement ou l’autorisation d’un tiers. »
« Le Rapporteur spécial sur la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, Nils Melzer, s’est joint aux autres rapporteurs spéciaux pour condamner le placement forcé et illégal en institution et toute détention motivée par le handicap, et a noté que de telles pratiques pouvaient être assimilées à de la torture et à de mauvais traitements. Il a attiré l’attention sur le fait que les personnes présentant un handicap psychosocial étaient souvent privées de leur capacité juridique, ce qui les faisait passer complètement hors champ sur le plan juridique, y compris dans les procédures judiciaires, et pouvait conduire à un placement « volontaire » en institution avec le consentement d’un tiers, à une médication forcée à des fins de contention ou à des fins punitives, et à d’autres traitements intrusifs tels que la stérilisation forcée, l’avortement, la contraception ou l’électroconvulsivothérapie, qui pouvaient aussi être assimilés à des actes de torture et des mauvais traitements. »
« Le docteur Funk a souligné que les outils de l’initiative QualityRights avaient grandement contribué à faire évoluer les mentalités, les pratiques et la prestation des services, s’agissant de faire respecter le droit de toute personne de prendre ses propres décisions, d’informer les personnes des possibilités de traitement et de les laisser faire leur choix, et de mettre fin au traitement forcé, à l’isolement et à la contention. Elle a communiqué des résultats qui mettaient en évidence une diminution des cas de violence, un plus grand recours à l’appui plutôt qu’à la force, et la réorientation des services en faveur d’une démarche axée sur le rétablissement. L’OMS était en train d’élaborer un guide des meilleures pratiques appliquées par les services de proximité qui ne recouraient pas à la contrainte, privilégiaient le rétablissement et encourageaient l’autonomie et l’intégration. »
« Le docteur Roberto Mezzina, de l’Azienda Sanitaria Universitaria Integrata (Trieste), a décrit la réforme relative à la santé mentale menée en Italie, qui avait entraîné l’abandon du placement en milieu fermé, avec pour conséquence la fermeture d’hôpitaux psychiatriques (entre 1978 et 1999) et d’hôpitaux pénitentiaires (en 2017). La loi no 180 de 1978 avait reconnu les droits de l’homme comme étant un instrument essentiel aux soins de santé mentale, ce qui avait marqué un tournant dans la psychiatrie et, de manière plus générale, dans les services de protection sociale de proximité, mettant l’accent sur la personne plutôt que sur le diagnostic. Cette démarche supposait d’offrir des soins proactifs et dynamiques, d’apporter des réponses rapides aux crises, de laisser ouvertes les portes, de ne pas recourir à la contention et d’assurer la continuité des soins et des pratiques dans le respect des principes du libre choix et de la personnalisation et des droits, avec pour objectif de favoriser le partage des responsabilités, le dialogue, le rétablissement et un soutien précoce. »
« Kriti Sharma a donné de plus amples informations sur les enquêtes menées par Human Rights Watch autour des atteintes aux droits des personnes présentant un handicap psychosocial dans plus de 25 pays. L’organisation avait pu constater que ces personnes subissaient la stigmatisation et la discrimination au quotidien et que, bien souvent, elles ne pouvaient exercer leurs droits fondamentaux. Elle a demandé que les lois et les politiques normalisant le recours à des mesures coercitives soient invalidées, y compris les traitements sans consentement, l’électrothérapie et la contention. Elle a relevé que le recours à des pratiques qui stigmatisent pouvait également être monnaie courante dans les équipes chargées de la protection des droits des personnes présentant un handicap psychosocial. »
Concernant le programme Quality Rights :
« Le docteur Michelle Funk, de l’OMS, a décrit dans le détail l’initiative QualityRights qui visait à faire progresser l’approche de la santé mentale fondée sur les droits de l’homme, et les activités entreprises par l’OMS en coopération avec les pays en vue de : renforcer les capacités dans les domaines des droits de l’homme et de la santé mentale ; transformer les systèmes de façon à promouvoir la qualité et les droits, notamment en soutenant la société civile ; et appuyer les réformes politiques et juridiques conformes à la Convention relative aux droits des personnes handicapées, en particulier en ce qui concerne la capacité juridique, la liberté, l’inclusion dans la société et l’élimination de la violence. Le docteur Funk a souligné que les outils de l’initiative QualityRights avaient grandement contribué à faire évoluer les mentalités, les pratiques et la prestation des services, s’agissant de faire respecter le droit de toute personne de prendre ses propres décisions, d’informer les personnes des possibilités de traitement et de les laisser faire leur choix, et de mettre fin au traitement forcé, à l’isolement et à la contention. Elle a communiqué des résultats qui mettaient en évidence une diminution des cas de violence, un plus grand recours à l’appui plutôt qu’à la force, et la réorientation des services en faveur d’une démarche axée sur le rétablissement. L’OMS était en train d’élaborer un guide des meilleures pratiques appliquées par les services de proximité qui ne recouraient pas à la contrainte, privilégiaient le rétablissement et encourageaient l’autonomie et l’intégration. »
« Peter McGovern a fait part de son expérience en tant que formateur du personnel des services de santé mentale dans le cadre de l’initiative QualityRights, de l’OMS. Ce programme, pratique et porteur de changements, permettait aux prestataires et aux usagers de services de se faire une idée concrète des démarches axées sur les droits et le rétablissement consacrées par la Convention relative aux droits des personnes handicapées. Devaient être représentés lors de ces formations l’ensemble des groupes concernés, notamment les professionnels de la santé et les conseillers pour les politiques, ainsi que les personnes qui, ayant fait appel à ces services, en avaient retiré une expérience concrète. Des discussions étaient engagées dans ce cadre, dans le but de recenser, par l’étude de cas, les dénis de droit dans la prestation de services ainsi que les obstacles au changement et la façon de les surmonter. L’initiative QualityRights s’attaquait au problème de la résistance au changement et encourageait les participants à se mobiliser et à s’interroger sur les nouveaux moyens de porter assistance. Les participants se sont accordés pour dire que les approches fondées sur les droits présentaient non seulement un intérêt pour les usagers mais aussi pour les prestataires de services. M. McGovern a souligné que la formation invitait à agir et donnait des orientations sur la manière d’opérer des changements au quotidien. Il a indiqué qu’après quelques jours de travail, des changements notables avaient pu être observés dans la manière dont les participants appréhendaient la question du recours à la coercition en situation de crise et la question du respect du droit de chaque individu de décider pour lui-même. L’intervenant a conclu qu’à l’issue de cette formation, tous avaient le sentiment d’être partie prenante aux plans d’amélioration des services, ce qui ouvrait la voie à un changement de mentalité plus vaste, orienté vers une conception du soutien en matière de santé mentale axée sur les droits de l’homme. »
« Les États devraient adopter des lois et revoir la législation en vigueur pour combattre la stigmatisation et la discrimination à l’égard des usagers des services de santé mentale et des personnes présentant des troubles mentaux ou un handicap psychosocial. Ils devraient mettre en place des programmes de formation tels ceux de l’initiative QualityRights, de l’OMS, afin de renforcer la capacité des professionnels, des praticiens et des responsables de l’élaboration des politiques du secteur de la santé mentale à appliquer une démarche fondée sur les droits de l’homme et le relèvement, conformément à la Convention relative aux droits des personnes handicapées. En parallèle, ils devraient élaborer et mettre en place des campagnes et programmes de sensibilisation du public, afin d’en finir avec les stéréotypes néfastes, le catalogage, la stigmatisation et la discrimination à l’encontre des usagers des services de santé mentale et des personnes présentant des troubles mentaux ou un handicap psychosocial, en veillant à ce que ces personnes jouent un rôle central dans l’élaboration et la mise en œuvre des programmes de formation et de sensibilisation. »
Concernant le consentement libre et éclairé des personnes faisant l’objet de soins psychiatriques :
« Al Hussein a déploré le recours au placement en institution, considérant qu’il s’agissait d’une réponse inadéquate à tous les niveaux pour les enfants et les adultes présentant un handicap, et il a préconisé l’élimination des pratiques telles que le traitement forcé, notamment la médication forcée, l’électroconvulsivothérapie forcée, le placement forcé en institution et la ségrégation. Il a demandé aux États de garantir l’accès à divers services d’appui au sein de la communauté, notamment le soutien par les pairs, et a rappelé aux participants que la Convention relative aux droits des personnes handicapées offrait un cadre juridique permettant de protéger les droits des personnes présentant un handicap psychosocial, notamment l’exercice de la capacité juridique, le consentement libre et éclairé, le droit de vivre et d’être inclus dans la société et le droit à la liberté et à la sécurité de la personne, sans discrimination. Il a salué la participation des titulaires de droits, qui ont fait part de leur vécu, et a préconisé de renforcer l’appui au cadre fourni par la Convention, qui avait déjà contribué à rétablir le respect de l’autonomie, des choix et des droits des personnes présentant un handicap psychosocial. »
« La Rapporteuse spéciale sur les droits des personnes handicapées, Catalina Devandas Aguilar, a reconnu que les mesures coercitives et l’exclusion étaient devenues la norme dans la majorité des systèmes de santé mentale, en particulier dans les pays développés, et que les interventions sans consentement telles que l’électroconvulsivothérapie, la psychochirurgie, la stérilisation forcée et d’autres traitements invasifs, douloureux et irréversibles, continuaient d’être autorisés, en violation de la Convention relative aux droits des personnes handicapées. À cet égard, elle a pris position contre l’initiative du Conseil de l’Europe d’élaborer un protocole additionnel à la Convention d’Oviedo, qui servirait à légitimer ces pratiques coercitives, et a demandé aux États membres du Conseil de l’Europe de s’y opposer car il s’agissait, pour la protection des droits, d’un pas en arrière qui ne saurait être toléré. Elle a appelé l’attention sur les bonnes pratiques et les outils disponibles à l’intérieur et hors du système de santé qui offraient des solutions et un soutien dans les situations de crise ou d’urgence, dans le respect de l’éthique médicale et des droits de l’homme de la personne concernée, notamment son droit au consentement libre et éclairé. Il s’agissait notamment de programmes d’assistance personnelle, de soutien psychosocial et d’aide au logement, qui réduisaient le risque de placement en institution et d’exposition à la violence physique et sexuelle. Mme Devandas Aguilar a rappelé que la participation des personnes handicapées elles-mêmes était une condition préalable essentielle à un développement fondé sur les droits de l’homme. »
« Le docteur Alberto Minoletti, de l’Université du Chili, a présenté un aperçu des réformes relatives à la santé mentale menées au Chili de 1990 à 2018, mettant l’accent sur les principaux progrès accomplis, parmi lesquels l’amélioration de la disponibilité, de l’accessibilité et de la qualité des services de santé mentale de proximité et l’inclusion sociale des personnes présentant un handicap psychosocial. Au fil des ans, le nombre de patients hospitalisés dans des établissements de santé mentale avait diminué, tout comme les cas de contrainte, de maltraitance et de violence au sein de ces établissements. Les réformes législatives avaient eu pour but de protéger le droit de donner son consentement éclairé avant tout traitement ou toute participation à la recherche, de limiter l’hospitalisation sans consentement, d’interdire la psychochirurgie et de mettre en place un organisme de surveillance pour protéger les droits des personnes utilisant des services de santé mentale. Même si des problèmes persistaient, ces changements avaient eu pour effet de renforcer l’inclusion dans la société en mobilisant relativement peu de ressources. »
Le Rapporteur spécial sur la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants a formulé des recommandations concrètes en vue d’avancer sur la question. Il a souligné qu’il fallait de toute urgence abroger les lois autorisant le placement en institution des personnes handicapées et veiller à ce que les décisions de placement fassent régulièrement l’objet de réexamens, y compris dans le cadre de procédures de suivi indépendantes conduites par des spécialistes des droits de l’homme, des institutions nationales des droits de l’homme, des mécanismes nationaux de prévention, la société civile et des mécanismes internationaux. Les États devaient en outre adopter des lois reconnaissant la capacité juridique des personnes présentant un handicap psychosocial, pour ce qui était de la vie en société et du soutien. Il était donc nécessaire qu’ils privilégient l’abandon du placement en milieu fermé en adoptant des lois sur la protection sociale et en permettant aux personnes qui en avaient besoin de bénéficier de différents services d’appui. Le Rapporteur spécial a souligné la nécessité d’élaborer de toute urgence des directives sur le consentement libre et éclairé et les incidences de l’institutionnalisation, sur le traitement et sur les conditions de vie des personnes présentant un handicap psychosocial.
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