Témoignage d’une femme ayant reçu des séances de sismothérapie (éléctrochocs)
« Je suis sous antidépresseurs depuis 1998. En 2007, j’ai décidé de consulter une psychiatre, qui m’a prescrit d’autres antidépresseurs toujours sans résultat. Elle m’a donc proposé des séances de sismothérapie. J’en ai parlé à ma famille qui m’a déconseillé de le faire, excepté un frère infirmier en psychiatrie qui m’a dit que c’était jouable (pour lui, c’est juste un petit courant électrique). J’ai fait confiance à mon frère et je suis entrée à la clinique.
De cette période, je ne me rappelle pas grand-chose, notamment la visite de mon beau-frère et de sa femme.
Souvenir d’une journée-type avec sismothérapie : lever, douche, petit-déjeuner, séance de sismothérapie vers 11h, j’arrive dans la salle d’attente, je retrouve d’autres patients, toujours les mêmes, j’ai l’impression d’aller à l’abattoir. Lorsque mon tour arrive, j’entre dans la salle de séance, je m’allonge sur le brancard, un infirmier vient me faire une injection de curare et je m’endors.
Lorsque je reprends conscience, je suis à table en train de manger le repas du midi.
L’après-midi je ne me souviens pas de mes occupations, je sais que je n’ai juste aucune énergie pour faire du sport dans la salle de sport. Je suppose que je regarde la télé.
Le soir, je dîne et à 21h, je fais la queue à l’accueil pour prendre mon traitement, dont un somnifère qui me plonge dans le sommeil dès que je me couche.
Maintenant je vais raconter la version de mon compagnon : il me disait qu’après chaque séance, je l’appelais et lui demandais ce que je faisais dans cet hôpital. Il me l’expliquait et je lui demandais combien de temps je devrais rester. Ma compagne de chambre m’a aussi raconté qu’à chaque retour de séance, elle devait m’expliquer patiemment pourquoi j’étais là et qui elle était.
Il y a eu un jour où je suis allée voir la coiffeuse après une séance et je me suis retrouvée avec une coiffure affreuse car apparemment, or je lui ai dit que ça me plaisait, mais je ne m’en souviens pas.
Mon compagnon m’a aussi rapporté les moqueries du personnel contre les patients désorientés après une sismothérapie.
Enfin je me rappelle mon dernier rendez-vous en octobre avec la psychiatre pour faire le bilan. Ne voyant pas d’amélioration pour ma part et insatisfaite de mes pertes de mémoire, je lui dis que je décide de ne pas continuer les séances de sismothérapie. Elle me dit alors qu’elle ne sait plus quoi faire avec moi.
Mon compagnon m’a précisé que les pertes de mémoire ont été encore plus prononcées après la dernière séance.
Je change alors de psychiatre, qui constate que mon traitement est particulièrement lourd et il l’allège. D’ailleurs, ma famille a constaté que je ne riais plus et que je ne disais plus rien. Mon compagnon me disait que je traînais les pieds quand on faisait les courses.
Entre-temps, je reprends mon travail et je me rends compte que je suis dans l’incapacité de réfléchir et de me concentrer. Je ne comprends plus rien à ce que je dois faire et mon mal-être est toujours présent. Je vais voir mon médecin généraliste qui me met en arrêt maladie, situation dans laquelle je vais être jusqu’en 2010, puisque je suis dans l’incapacité de reprendre mon travail. Je suis donc licenciée pour incapacité, et je suis reconnue travailleur handicapé depuis.
Maintenant, les conséquences sont toujours d’actualité : grande fatigue physique (je précise que j’étais sportive et je ne fumais pas), grande fatigabilité psychique (je ne peux plus travailler à temps plein), perte quasi-totale de la mémoire depuis un an avant l’hospitalisation jusqu’en 2014 environ, mémoire immédiate défaillante (je suis obligée de tout écrire pour m’en rappeler), et plus aucune libido ni de goût au plaisir. Bien entendu, mon psychiatre me dit que c’est dû à ma maladie et que tout va revenir comme avant.
Malgré les traitements médicamenteux, une partie de moi souffre toujours, mais c’est une douleur que je constate froidement, car je ne ressens presque plus rien, que ce soit la douleur ou le plaisir. »