Santé mentale des jeunes et respect de leurs droits
Les assises de la santé de l’enfant se sont tenues cette année en mai. Le lancement du Conseil National de Refondation dédié à la santé mentale et à la psychiatrie est annoncé pour cette année. Selon le Premier ministre et le ministre de la Santé, une attention particulière est portée à la santé mentale des jeunes enfants, adolescents et étudiants.
Il semble que ces annonces aient réveillé, si tant est qu’elles aient été en sommeil, de vieilles querelles de chapelles entre psychiatres et psychologues, chacun voulant défendre et préserver son territoire. Par exemple, le Syndicat des psychiatres français a réagi aux déclarations du Premier ministre, en affirmant « soutenir l’importance d’un accompagnement psychologique à la seule condition qu’il ne retarde pas l’accès aux soins psychiatriques ».
Ces polémiques plus ou moins larvées ou ces rivalités ne doivent pas nous faire oublier l’essentiel : l’intérêt des enfants. Ceux-ci ne doivent en aucun cas devenir les otages de lobbies ou d’intérêts divergents.
Les multiples crises, sanitaires, économiques ou environnementales que traverse notre société, les incertitudes face l’avenir, le sentiment d’insécurité face à la violence, une actualité internationale anxiogène, tous ces facteurs ont pu déstabiliser et fragiliser un certain nombre de nos compatriotes et les jeunes ne sont bien sûr pas épargnés par ce phénomène.
Mais la tentation de « psychiatriser » ou de médicaliser tous ces problèmes, de les baptiser « troubles psychiatriques » risque d’entrainer à très court terme d’autres graves dangers : celui d’une consommation encore accrue de psychotropes avec les conséquences souvent dramatiques pour la santé.
En mai 2023, la Commission des citoyens pour les droits de l’Homme (CCDH-France) a adressé au Comité des droits de l’enfant des Nations-Unies un rapport sur la situation des mineurs en psychiatrie en France*.
Nous y rappelions quelques chiffres révélés par le Haut Conseil de l’enfance et de l’adolescence montrant que la consommation de psychotropes chez l’enfant et l’adolescent a augmenté entre 2014 et 2021 de :
+48,54% pour les antipsychotiques ;
+62,58% pour les antidépresseurs ;
+78,07% pour les psychostimulants ;
+27,7% pour les anticholinergiques ;
+9,48% pour les dopaminergiques ;
+155,48% pour les hypnotiques et sédatif
Ce phénomène de sur-médication ne concerne pas des cas isolés mais bien des dizaines de milliers d’enfants. La prévalence de consommation de médicaments psychotropes chez les 6-17 ans doit faire l’objet d’une attention et d’une mobilisation d’autant plus urgente de la part des pouvoirs publics et des autorités de santé qu’elle se situe pour une large part hors des conditions réglementaires de prescription.
Par ailleurs, le Contrôleur général des lieux de privation de liberté (CGLPL) a alerté, dans de multiples rapports de visite d’hôpitaux psychiatriques, sur la situation des mineurs placés à l’isolement et en contention, ceci sans les voies de recours normalement réservées aux patients adultes.
Nous demandons instamment aux pouvoirs publics, aux parlementaires et à tous les acteurs concernés la plus grande vigilance et une détermination sans faille pour protéger et surtout pour promouvoir et développer le respect des droits des mineurs dans le domaine de la santé mentale.
Ce que demande la Commission des Citoyens pour les Droits de l’Homme France (CCDH-France)
1) Le gouvernement français doit publier les statistiques officielles du nombre de mineurs faisant l’objet de mesures d’isolement et/ou de contention afin d’assurer la traçabilité des mesures privatives de libertés des mineurs en psychiatrie.
2) Le gouvernement français doit publier les statistiques officielles du nombre de mineurs hospitalisés en psychiatrie, que ce soit selon le mode de l’hospitalisation libre ou sous contrainte.
3) Les mineurs hospitalisés en psychiatrie doivent avoir les mêmes droits et voies de recours que les patients majeurs hospitalisés sans leur consentement.
4) Les mesures d’isolement et de contention sur les mineurs doivent être formellement interdites.
5) Mise en œuvre des recommandations publiées par le Haut Conseil de la famille, de l’enfance et de l’âge (rapport « Quand les enfants vont mal : comment les aider » 7 mars 2023), notamment le déploiement des dispositifs éducatifs et sociaux pour les enfants, plutôt que des prescriptions de psychotropes.
6) Interdiction de prescrire des psychotropes aux mineurs, hors autorisation de mise sur le marché.
7) Interdiction de l’hospitalisation des mineurs dans les services de psychiatrie adulte (recommandations du CGLPL dans son rapport 2020 et de la Défenseure des Droits dans son rapport « Santé mentale des enfants : le droit au bien-être » 2021)